Courrier des lecteurs : La femme et le sacerdoce
Vies Consacrées
N°1973-5 • Septembre 1973
| P. 309-316 |
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Les deux « tribunes libres » que Vie consacrée a publiées l’an dernier (n. 5 et 6) sur « La Femme et le Sacerdoce » ont valu à leurs auteurs ou à la direction de la revue un courrier assez abondant. La première, suivie de « réflexions » du P. Y. Congar, O.P., était due à Sœur M. C. Bourriaud, S.S.S. ; la seconde au Père J. Bodson, S.J.
Sœur M. C. Bourriaud résume comme suit les réactions qu’elle a reçues : « Les réactions à mon article « La femme et le sacerdoce » ont été en général, positives. Le qualificatif « intéressant » a été le plus fréquemment employé. J’ai eu l’occasion de noter trois attitudes différentes : 1) l’attitude de ceux qui ont une idée pessimiste de la femme (et le plus souvent ce sont les femmes elles-mêmes) : pour eux, l’ordination sacerdotale pour la femme est une chose impensable ; ils ne s’intéressent pas à la question et sont prêts à la tourner en ridicule ; 2) l’attitude de ceux qui n’ont jamais réfléchi à cela, mais qui, devant la réflexion, sont tout de suite convaincus et trouvent que ce serait tout normal que les femmes puissent accéder au sacerdoce ; 3) enfin, à cette occasion, j’ai fait connaissance avec une troisième catégorie : celle des convaincus, je dirais presque des « mécontents », parce qu’ils ont pris la chose à cœur et ne voient pas leurs efforts reconnus ».
Entre autres personnes, Sœur Beatrix Dagras (Sœur Blanche, Tunis) avait écrit à l’auteur de cette première tribune libre : « Je suis heureuse de venir vous exprimer mes félicitations pour votre article. Ce me fut une joie de retrouver sous votre plume des convictions que je partage, les ayant aussi exprimées dans un texte dactylographié aux Pères du Synode, car elles rejoignent profondément ma vie ».
Les pages du P. Bodson ont, elles aussi, suscité pas mal de réactions.
Mgr Ph. Delhaye conclut sa lettre à l’auteur en disant : « Merci et bravo. Vous expliquez l’exclusion en grandissant la femme ». Le P. Paul Chapelle, S.J. (Kinshasa) poursuit la méditation du P. Bodson : « À partir de ce qui a été écrit, nous pouvons réfléchir sur les paroles « ceci est mon corps » prononcées sur le pain. La parole, comme dit, est davantage de l’ordre de la masculinité et le pain de l’ordre de la féminité. En raison de ces déterminations, est-il possible d’approfondir ce qui cherche à s’exprimer dans cet article ? Nous le ferions en posant cette question : une femme peut-elle valablement prononcer ces paroles dans le contexte historique et naturel de l’Eucharistie en tant que celle-ci est acte et parole du Christ ? L’Eucharistie est symbole dans la mesure même où sont conjoints Dieu et l’homme, précisément par l’Incarnation. L’Acte de prononcer ces paroles sur la matière est celui de l’action de grâce par laquelle le symbole est instauré. Pour que le symbole garde sa réalité, il est nécessaire qu’il soit l’alliance, le rassemblement de deux éléments distincts et même différenciés. Si, comme il a été écrit plus haut, la parole de Dieu est masculine et la matière féminine, en tant que celle-ci est fruit de la parole qui n’est elle-même incarnée que dans la matière, il est nécessaire que soient différenciés les divers éléments constitutifs du symbole, sans quoi ne pourrait exister le symbole en acte, c’est-à-dire comme acte se réalisant à ce moment et en ce lieu. Or, il semble bien que toutes les cultures – c’est un fait universel – soulignent la relation étroite entre la terre, ses fruits et la femme. Le symbole eucharistique ne serait donc pas opératoire dans la mesure où la parole « ceci est mon corps » ne serait pas une parole masculine, mais féminine. La parole ne peut en effet être séparée de la personne qui la prononce (...). Cela nous invite à aller plus loin dans l’analyse de ces paroles prononcées sur la matière. Si le symbole peut exister, c’est en raison même de la distinction et différence des éléments dont il est constitué, mais aussi à cause de leur hétérogénéité. C’est qu’en effet si l’homme et le monde sont l’autre de Dieu, Dieu est le non-autre de sa créature spirituelle et matérielle. C’est dire que prononcer ces paroles « ceci est mon corps » pour Dieu, Jésus-Christ notre Seigneur, c’est réaliser le passage impossible d’un « monde » divin au monde « humain », qui n’est pas une émanation quelconque de Dieu. C’est en cela qu’est vérifié le Symbole au sens fort du terme. Il est l’alliage, la mise ensemble de deux réalités qui ne sont pas du même ordre, dont l’une n’est pas le fruit immédiat, disons naturel, de l’autre. Pour autant que la nourriture terrestre soit le fruit de la terre maternelle, n’est-il pas en quelque sorte également le fruit de la mère ? Ce n’est peut-être pas sans raison que la préparation de la nourriture est en priorité et comme naturellement réservée à la femme. Si l’on accepte ce qui précède et qui ne tient peut-être pas, sans doute pas, à un donné culturel donné et limité, l’on comprend mal comment la matière, en quelque sorte fruit de la mère-terre, devrait être reconnue et dite par un « ceci est mon corps », alors qu’elle l’est en fait : la nourriture est en quelque sorte naturellement fruit de la mère, corps de la mère, qui d’ailleurs allaite son enfant ; seule, la mère est mangée par son enfant. Ce serait donc là une affirmation non dénuée de tout fondement, mais qui serait non une alliance, mais une simple affirmation d’un fait déjà existant. Rien n’adviendrait, il n’y aurait pas d’événement, le symbole n’existerait pas et l’histoire pas davantage. Il ne s’agirait plus du Pain-don de Dieu-fruit de la terre et du travail de l’homme, mais seulement du pain-fruit de la terre-mère et du travail de l’homme. Ce qui veut dire que prononcées par la femme, ces paroles « ceci est mon corps » seraient essentiellement ambiguës, n’auraient plus de sens, ne donneraient plus le sens. Ces paroles ne seraient plus en mémoire de Jésus-Christ, né de Dieu, mais un seul discours humain qui tendrait à faire de l’histoire un instant sans temps ni espace ».
Mais – on s’en doute – il n’y a pas que des hommes qui ont manifesté leur opinion. Ainsi Madame M. Verstraeten (mère de quatre enfants, Bruxelles) : « Merci au P. Bodson d’avoir si clairement exprimé ce que j’avais depuis longtemps deviné dans mon cœur..., car cette communion totale du Christ et de son Église se laisse deviner par la communion conjugale que peuvent partiellement vivre des époux chrétiens qui ont expérimenté que la source de l’Amour est en Dieu et que le chemin qui fait grandir cette communion passe par la croix et se vit dans l’Eucharistie. C’est en essayant de revivre les attitudes de Marie que j’ai commencé à aimer l’Église, à la connaître, à la comprendre et à vouloir y servir, pour qu’avec l’aide active de l’Esprit Saint, Jésus puisse renaître, être présent et donné au monde comme une Bonne nouvelle et un message de Joie et de Bonheur qui donne un vrai sens à la vie de chacun. Le sacerdoce des fidèles se comprend dans la mesure où l’Eucharistie commence à se vivre dans tout le quotidien..., où l’offertoire de la messe devient celui de tous les efforts d’amour vécu, ainsi que de tous les échecs d’amour dus à nos limites humaines, afin que transformés par Lui, avec Lui et en Lui, tous ensemble, en communiant à Son Corps, devenions le Corps du Christ. »
D’une autre lectrice, nous recevons ces réflexions : « Je veux distinguer « ordination sacerdotale de la femme » et « sacerdoce de la femme ». Sans être pour l’ordination sacerdotale de la femme, je crois à un véritable sacerdoce des femmes. Pour moi, ce serait comprendre la question de travers que de vouloir fournir des preuves pour ou contre l’ordination sacerdotale de la femme à partir d’une énumération de ses facultés et aptitudes ou... de ses incapacités. Il me semble qu’il ne s’agit pas du tout de cela. L’Écriture Sainte nous ouvre un autre monde dans lequel il faut entrer pour reconnaître à quoi l’homme et la femme sont appelés de Dieu par grâce et non pas ce à quoi ils ont droit. La relation pure entre l’être humain et Dieu est au-delà de toute tâche et de toute fonction. « La Bible est l’histoire de ce dialogue, de cet amour, de cette relation de Personne à personne. C’est l’histoire de la Vocation de l’Homme » (Yvonne Pellé-Douël, Être femme), l’Homme créé à l’image de Dieu. Cette image de Dieu est reflétée différemment par l’homme et par la femme. L’homme cherche à s’accomplir et se réaliser dans son œuvre. La femme s’accomplit plutôt dans l’effacement. Certes, l’homme a aussi à vivre l’effacement, mais je dirais : l’effacement pour lui se fait dans son œuvre, tandis que l’œuvre de la femme se fait dans son effacement. C’est bien par l’effacement et par l’intercession de la Femme qu’est fécondée l’Église (Marie à l’annonciation, à Cana, la Samaritaine, les Maries près de la croix, Marie-Madeleine au tombeau, puis Marie à la Pentecôte). C’est près de la croix du Christ que cette grâce est née et que se fit la Nouvelle Genèse, la rencontre du Nouvel Adam et de la Nouvelle Ève. Par vocation, Marie engendre avec le Christ un monde nouveau. Jésus lui fait savoir qu’elle est fructueuse et lui donne en Jean un nouveau fils, figure de l’Église et de tout disciple. Marie devient la Mère de l’Église et elle le sera toujours par sa présence, par sa prière (Pentecôte) et par son intercession auprès de son Fils dans l’éternité. Par la vocation de Marie sous la croix (« Femme, voici ton fils ! »), Jésus a peut-être voulu indiquer la vocation de la « Femme » comme telle. En fait, Marie-Madeleine, qui y est aussi présente, participe à ce moment déjà en quelque sorte à la maternité spirituelle de la Mère de Jésus. Le jour de Pâques nous le verrons encore beaucoup mieux, car c’est à Marie-Madeleine que Jésus adresse son message : « Femme,... va dire à mes frères... ». Et, dans l’évangile de Jean, c’est justement à cause de son message que les disciples (l’Église) restent réunis. Elle est donc au service de l’Église. Toutes ces rencontres du Christ avec la Femme et les expériences de ma propre vie m’affirment ce que je saisis au plus profond de mon être : que la femme a une grande place dans l’Église, une place qui ne lui est pas encore accordée entièrement, une place à côté du prêtre et au service de son sacerdoce. Je ne vois pas le sacerdoce de la femme comme l’ordination sacerdotale de la femme, mais comme une association au sacerdoce. Je terminerai par une dernière remarque : il est normal, je pense, que Dieu suscite aujourd’hui des « âmes » qui, comme la Vierge au début, veillent fraternellement et maternellement aussi sur le sacerdoce, à un moment où son visage va changer et, dans ce changement, est menacé » (Sœur H. Schmidt, Sœur Blanche, Trèves).
Mais toutes les opinions ne vont pas dans le sens indiqué par le P. Bodson. Par exemple Sœur Valentine Buisseret, O.P. (Bruxelles) : « Je lis dans le préambule de cet article : « Les exigences du signe sont premières ». Cette déclaration me paraît être le fondement du plaidoyer de l’auteur en vue de l’exclusion des femmes de la fonction sacerdotale. C’est pourtant la base sur laquelle je fonde, moi aussi, ma réflexion en sens contraire.
Il est vain, me semble-t-il, de vouloir faire dire au Christ ce qu’il n’a pas dit et d’essayer d’en déduire ce qui nous plaît. Mieux vaut, je crois, s’appuyer sur une parole formelle que nul ne peut contester.
Cette parole irrécusable est celle de l’Apôtre Paul aux Galates 3,23-28 : « Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde de la loi, réservés à la loi qui devait se révéler. Ainsi la loi nous servit-elle de pédagogue jusqu’au Christ, pour que nous obtenions de la foi notre justification. Mais la foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue. Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi au Christ Jésus. Vous tous, en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme, car vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus ».
Déclaration indéniable, cette parole n’a pourtant déroulé sa réalisation progressive que lentement au cours des siècles. Le sujet qui nous intéresse – le ministère presbytéral – en est un exemple frappant.
D’après les récits évangéliques, au repas eucharistique de la Cène, l’ordre du Seigneur de refaire « ceci en mémoire de moi » ne fut recueilli que par des hommes de race juive, les disciples. S’il eût fallu s’en tenir strictement au choix du Christ comme ‘signe’ sacramentel, il n’eût jamais été permis de conférer le ministère de la présidence eucharistique, ni aucune fonction sacerdotale à des hommes autres que juifs. Rapidement pourtant la parole de Paul a prévalu « il n’y a ni juif ni grec » : on a ordonné des païens convertis. Et de plus en plus jusqu’à nos jours, on a ordonné des hommes de race, de couleur, de nationalité très différentes de celles du Christ et des disciples ; le ‘signe’ physique ne semble pas avoir été intégralement retenu.
Beaucoup plus lente fut, au cours des siècles, la réhabilitation des esclaves. « Il n’y a ni esclave ni homme libre », avait dit Paul, et pourtant l’exclusion des esclaves du sacrement de l’Ordre a été séculaire.
À notre temps il reste à vaincre le dernier bastion de résistance à l’égard de la femme : « Il n’y a ni homme ni femme »...
Il nous répugne pourtant de parler en termes de « victoire sur une résistance », comme si nous menions un combat de revendication d’une supériorité de condition ou de situation. (...)
Le but unique de notre combat est notre réponse d’amour au Christ Rédempteur : nous nous offrons à Lui pour continuer sa mission en entrant aussi pleinement que les hommes en son mystère de salut tel qu’il veut le réaliser. (...)
On ne le soulignera jamais assez : ce n’est pas la « promotion de la femme » que nous poursuivons, pas même timidement à la traîne de nos sœurs qui clament dans les rues leur soif de liberté : c’est la promotion de la personne humaine dans l’ordre théologal, celle de la femme aussi bien que celle de l’homme, tous deux images de Dieu à part égale : « Il les fit homme et femme... à son image il les créa » (Gn 1,27).
L’accession des femmes au ministère presbytéral sera donc la manifestation de l’adhésion plénière de la communauté ecclésiale à cette libération proclamée par saint Paul : « Il n’y a plus ni juif ni grec, ni homme libre ni esclave, il n’y a ni homme ni femme, vous êtes tous un dans le Christ Jésus ».
La femme à l’autel sera véritablement le ‘signe’ symbolique de l’action rédemptrice totale opérée par l’incarnation du Fils de Dieu. Ce « signe » rendra « présente et actuelle » (p. 366), dans toute la force du terme, la réalité de la rédemption, vécue jusque dans ses derniers effets, dans l’ordre de la grâce et du salut.
De ce « signe » nous proclamons volontiers que « ses exigences sont premières ». »
Plusieurs lectrices voient une relation particulière entre la femme et le sacrement du pardon, de l’amour miséricordieux et de la réconciliation. Ainsi les deux dernières lettres que nous publions :
« L’article : « La femme et le sacerdoce » du n. 6 de Vie consacrée m’a vivement intéressée. Qu’il me soit permis, cependant, de poser quelques questions, de formuler quelques souhaits.
L’étude sur le sujet, les textes choisis pour l’appuyer sont tels que le sacerdoce féminin semble évident. C’est d’ailleurs ce qui est affirmé au début du paragraphe V :
« La femme peut-elle être prêtre ? si la question nous est posée en ces termes, nous répondons évidemment : oui. Puisqu’elle le doit ! Toute femme dans l’Église peut et doit être médiatrice de grâce, exercer une véritable maternité spirituelle, accepter les ministères que le Christ lui confie à travers son Église ».
Est introduite alors la distinction entre sacerdoce des femmes et ordination sacerdotale de celles-ci. Et au terme de l’article, il semble bien que cette ordination ne peut être donnée à des femmes ; la raison ? non seulement la question de discipline ecclésiastique, mais, plus fondamentalement, au nom d’une théologie sacramentaire. À l’intérieur de cette théologie sont invoqués :
- la fidélité à un mémorial : « ... La pratique ecclésiale de n’ordonner prêtres que des hommes n’appartiendrait-elle pas à la sacramentalité de l’Église, à son symbolisme fondamental » ?
- Le maintien de la différence sexuelle comme symbolisme le plus élevé : « En n’acceptant pas l’interchangeabilité des rôles sexuels dans l’exercice du sacerdoce, l’Église consacre et maintient le caractère symbolique le plus beau et le plus élevé de chacun des sexes ».
Une relecture de la théologie sacramentaire à ce sujet – relecture faite en dialogue avec l’époque actuelle – ne présenterait-elle pas des éclairages complémentaires et intéressants ?
La fidélité à un mémorial doit-elle résider dans une observance rigoureuse de la forme ou simplement dans un approfondissement toujours plus grand du sens premier, approfondissement tel qu’il permette d’épouser des formes variées, adaptées aux cultures dans lesquelles elles se déploient ?
Enfin, ne serait-elle pas riche en symbole la présence des deux sexes au sein du sacerdoce ministériel ? La femme-prêtre symbolisant par excellence l’amour miséricordieux, la réconciliation ! » (Sœur A.-M. Lepage, Doctrine chrétienne, Beauraing).
« L’article du P. Bodson sur « la femme et le sacerdoce » est remarquable à bien des égards, et notamment en ce qu’il situe la différence sexuelle dans l’histoire du salut et définit le sacerdoce ministériel en référence au mystère de notre rédemption. Voilà deux lignes de forces qui « symbolisent » entre elles, de telle sorte qu’on ne peut envisager l’éventualité d’une ordination sacerdotale de la femme sans voir ce qu’on engage : le symbolisme chrétien fondamental, sous son double aspect, historique et personnel d’une part (« christique et marial »), naturel d’autre part (« masculinité et féminité »). Ainsi le P. Bodson montre-t-il les enjeux de la question, qui sont théologiques avant tout.
Cependant, il me semble que certaines réalités sont moins mises en évidence dans l’article, à cause de la force du point de vue symbolique lui-même. Deux arguments majeurs sont ainsi avancés : 1) le Christ, Unique Prêtre, était un homme particulier, c’est-à-dire qu’il est entré dans la limitation, spécialement celle d’un sexe ; 2) son sacerdoce, c’est la ré-union de l’humanité avec Dieu, décrite sous le mode nuptial ou dialoguai ou eucharistique. De ces deux fondements découlent : 1) la nécessité pour l’Église de faire mémoire de l’humanité historique du Christ en ordonnant à le représenter des hommes comme lui ; 2) la description du prêtre comme, disons, « l’homme de l’Eucharistie », au milieu du peuple sauvé, ce peuple étant lui-même « signe efficace de la présence terrestre du Christ ».
Pour ma part, je soulignerais que le prêtre, autant que « l’homme de l’Eucharistie » est « l’homme du Pardon », ce qui n’est pas identique. Ainsi le prêtre n’est pas seulement, comme on dit aujourd’hui, le « rassembleur » de la communauté qu’il sert. Il est aussi témoin (et partenaire) du combat de l’homme avec Dieu, dans le monde, autour de lui, en lui. Il me semble que le prêtre, en tant précisément qu’il est conformé à Jésus-Christ, se tient exactement là : au cœur du péché. Si on ne comprend pas cela, on ne comprend pas non plus l’Eucharistie, qui n’est pas seulement « noces », mais aussi « passion » du Fils.
La question posée à l’homme, qu’il soit homme ou femme, c’est d’abord, me paraît-il, celle-là : « Crois-tu au Fils de Dieu, qui dites-vous que je suis ? » De l’affrontement de l’homme à Dieu naîtra l’obéissance de la foi ou le rejet dans les ténèbres. En irait-il autrement de l’homme et de la femme ? La question décisive de l’Évangile atteint chacun de nous dans sa particularité, son originalité, son fondement : sa filiation au Père. Jésus de Nazareth lui-même n’est-il pas tout entier constitué par sa relation au Père, tout autant qu’il reçoit de Marie son corps ? Relation sponsale de l’humanité à Dieu, certes ; mais aussi relation des fils pécheurs au Père des miséricordes.
Décrire le prêtre comme participant au pardon de Dieu et le dispensant, dire qu’il est amené à entrer dans le mystère du mal, c’est poser en des termes autres la question du ministère des femmes. Il est bien douloureux pour certaines femmes d’être conduites dans l’incrédulité ou le péché d’un autre sans pouvoir prononcer une parole de grâce, celle qui est laissée à l’Église : voici, tu es délié de ton péché [1] (Noëlle Hausman, Malaise).
[1] Il y a quelques années, le P. Henry, O.P., a proposé que le pouvoir de confesser soit donné à certaines femmes : « L’Église est libre, sur ce point, de donner sa juridiction à qui elle l’entend et selon les besoins. Au Moyen Age, des laïcs ont reçu des confessions. Pourquoi, en certaines circonstances ou pour répondre à certaines urgences et nécessités, des femmes ne pourraient-elles pas recevoir la confession, au moins d’autres femmes, et donner au nom du Christ l’absolution ? » (A.-M. Henry, O.P., La force de l’Évangile, Tours, Marne, 1967, p. 333).