Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

La consécration religieuse (II)

Pie-Raymond Régamey, o.p.

N°1966-6 Novembre 1966

| P. 339-359 |

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III. Consacré à Dieu, consacré par Dieu

Il nous paraît anormal que le propos d’une vie généralement consacrée au service de Dieu n’aboutisse pas à la promesse formelle du vœu [1]. Bien des facteurs néanmoins peuvent retenir d’engager l’avenir d’une façon ferme et définitive, alors cependant que le cœur est donné sans réserve. C’est ainsi que, dans les premiers siècles du monachisme, paraît avoir joué assez souvent une certaine crainte d’accomplir par une pseudofidélité toute formaliste ce qu’on aurait promis [2]. Dans l’ère moderne, se sont multipliées les sociétés sans vœux, dont le type est l’Oratoire, et l’on ne peut, certes, accuser d’illogisme chrétien saint Philippe de Néri et Newman. Au sujet de ces sociétés, Bossuet parle d’« une sainte liberté » qui « fait un saint engagement – on obéit sans dépendre, on gouverne sans commander » –, et Dom Séjourné, de la « sauvegarde un peu ombrageuse des susceptibilités de l’amour » [3].

En revanche, ce que l’on ne saurait admettre, c’est une réticence dans le don de soi, qui paraît dangereusement se multiplier de nos jours. Personnellement, j’en ai rencontré trois types.

Au moment de faire sa profession définitive, un frère pense :

J’entre dans un Ordre qui a ses structures ; elles sont du relatif. Je ne peux me lier d’une façon absolue. Qui sait si je ne mettrai pas un jour en question ces structures, au nom même de mon lien à Dieu, qui, lui, est absolu ?

Après d’assez longues années de profession dans une congrégation qui aide le clergé paroissial, une religieuse entend une conférence sur la consécration par les vœux et s’inquiète :

Je pensais que le vœu s’ajoutait à la consécration du cœur. Je me disais : « Je serai toujours consacrée à Dieu, mais pas nécessairement dans la congrégation. Ma consécration serait plus réelle si j’étais bonne chez des curés que je connais, qui ont tant de mal. » Je pensais que pour rendre ainsi de plus grands services pour l’amour de Dieu, je pourrais sortir de la congrégation et passer, par exemple, dans un Institut Séculier.

Un jeune religieux, après plusieurs années de profession définitive :

« Holocauste » ? « Abnégation » ? – de tels mots ne peuvent pas exprimer la donation religieuse. J’ai promis de conformer ma volonté à celle de Dieu, mais Dieu veut mon épanouissement, et non le sacrifice de mes possibilités de service. Je ne dois pas rester dans l’Ordre s’il me fait une situation où mes dons s’étiolent et ne peuvent porter leurs fruits... !

Bien entendu, un Institut religieux doit tout faire pour que ses membres portent le plus de fruit au service de Dieu, dans la ligne de leur vocation ; il doit donc normalement leur confier des tâches pour lesquelles ils sont doués, et maints de leurs dons humains les plus heureux s’y développeront certainement. Bien entendu, il doit veiller à ce que ses structures correspondent le mieux à son esprit et à sa fonction.

Dans les déclarations que nous rapportons, nous ne stigmatisons pas un défaut du sens de la croix : ce sens risque d’être trop faible chez nos trois religieux, mais cela n’est pas certain. Qui sait s’ils n’acceptent pas généreusement la croix que comportent les services effectifs qu’ils sont prêts à rendre ? Dans un proche passé, le sens de la croix était souvent trop négatif ; il ne semblait pas assez commandé par un sens plénier du Mystère Pascal ; un goût suspect de la souffrance le gâtait parfois. Il s’accordait volontiers avec des conceptions du service engoncées dans des conventions cléricales. C’est bien que tout cela se soit ouvert. Mais tout donne à craindre que nos trois religieux veuillent l’engagement sans la rupture radicale, refusent le regard johannique et paulinien sur le monde et la chair, se figurent que l’œuvre de Dieu passe par leur épanouissement, au lieu d’espérer celui-ci, comme pur « surcroît », de la perte de leur vie selon la volonté de Dieu.

Une carence très ancienne éclate aujourd’hui. C’est celle d’une véritable initiation. La vie d’une famille religieuse est la célébration d’un mystère, une façon singulière de vivre le Mystère Pascal. Cette singularité est aussi déterminée que l’espèce d’un animal bien reconnaissable, mais elle est ineffable en son fond. Toutes sortes de données concrètes, objectives et exprimables, orientent vers elle ceux en qui s’en éveille le sens, mais c’est ce sens irremplaçable qui doit s’éveiller et que chaque vocation reconnaît comme intimement et totalement personnel, pour l’éternité. Il faudrait évidemment approfondir le cas de nos trois religieux, mais quelle que puisse être leur générosité dans le don d’eux-mêmes, ils semblent vraiment avoir accompli ce don en dehors de ce mystère. Ils restent commandés, comme des témoins extérieurs, par les seules considérations abstraites et calculs d’efficience. C’est à cette profondeur que nous avons parlé à leur sujet de réticence.

Tant mieux si le premier éveil de la vocation comporte déjà ce sens de la famille religieuse à laquelle Dieu appelle. En tout cas la consécration n’a qu’en lui son sens. Les temps de probation sont temps de fiançailles, où les diverses vocations affluentes et celle d’une famille religieuse s’inquiètent, en tout ce qui leur importe le plus, de reconnaître si les premières tendent, d’un élan assez total, à s’identifier avec la seconde, et celle-ci à trouver en celles-là un accomplissement nouveau. Leur convergence célébrera l’Alliance Éternelle. Bien entendu, dans ce discernement, les chances du service qu’on accomplira, son efficacité et le rapport personnel à l’institution sont des éléments de base. Les vocations, concrètes comme elles le sont, se réalisent dans les diverses dimensions de la vie temporelle, mais elles ne s’y réduisent pas. La raison claire, en tout cela, ne saurait être trop informée et trop rigoureuse, mais elle n’a compétence que sur deux des quatre plans où mûrit, puis se développe, toute réalité humaine, à plus forte raison celles qui sont mystères de foi et engagement vital de l’être entier. On agite l’esprit sur le plan des notions, du « mental », de l’abstraction et du discours, et on lance la volonté sur celui des actions utiles, mais on s’exile de la vie du « cœur » [4] et l’on se figure que la vie spirituelle aura sa consistance et sa rectitude, alors qu’on laisse à leur médiocrité, voire leur grossièreté et leur tumulte, passions, sensibilité, comportements. Les vocations ont besoin d’une initiation intégrale sur les quatre plans à la fois.

Seule une epignosis les révélera à elles-mêmes et à leur famille religieuse : une « connaissance » supérieure (Col 1,9 ; 3,10), beaucoup plus que notionnelle, « enracinée et fondée dans l’amour » (Ep 3,17), qui éveillera « un esprit de sagesse et de révélation » (Ep 1,17). Elle sera toujours l’éclat de la gloire qui brille sur la face du Christ (2 Co 3,18 ; 4,6), mais reçue selon l’incidence propre à ces miroirs singuliers que sont les diverses familles spirituelles. Elle sera la « mystique » des béatitudes et des conseils, mais très précisément perçue dans cette activité qui la constitue en un milieu de vie déterminé, celui de cette famille-là [5].

Le propos condense sa lumière, sa ferveur, son énergie, au foyer de la vie religieuse. L’epignosis renouvelle les appelés, leur procure une « transformation spirituelle de leur jugement » (Ep 4,23), les « établit dans les vouloirs divins » (Co 4,12), les change de psychiques en spirituels. Le rationnel intempérant, dont les vues abstraites tranchent dans les réalités spirituelles, dont le « mental » boulimique et verbomoteur se remplit de notions « sans jamais parvenir à la connaissance » (2 Tm 3,7) – au sens biblique de ce mot –, ce n’est qu’un psychique. Les temps de la probation doivent initier à la façon de sentir, de juger, d’agir qui dispose à la vie en nous de l’Esprit [6]. Seuls les spirituels seront des charismatiques.

Initié, le propos, tout naturellement, atteste, dans une promesse, qu’il a pris consistance au-delà du temps, que, transcendant le temps, il exige d’y affirmer sa maîtrise. Il faut voir cela et du côté de Dieu et dans l’intime de la personne.

Dieu est le Seigneur du temps. L’avenir est à lui. Nos temps seront mieux « dans ses mains » qu’en les nôtres : In manibus tuis tempora mea [7] Dieu est la Fidélité même, c’est la donnée de fond de toute la Bible. Si mauvais que puissent être nos temps (Ep 5,16), dans l’avenir, il nous donnera de quoi en faire des jours de l’éternité.

À nous de les faire tels ! Et nous aurons de quoi, si nous correspondons à son appel. Dans la communion de la personne créée aux Personnes éternelles, un renouveau indéfini est possible, est certain, et cela dans le jaillissement libre du vouloir [8]. La communion vivante au Dieu vivant a de quoi dominer toute la versatilité du moi empirique [9]. Aux vicissitudes des temps, l’amour conforme à la vocation répondra de façon toujours neuve, mais conforme à sa « mystique », à son propos. Dans ces vicissitudes sont les risques de l’infidélité, puisqu’elles modifieront les termes du propos initial, et du côté de la personne et du côté de la famille religieuse, de l’Église, du monde, qui changeront. Au vrai, ces mêmes vicissitudes seront le principe des variations d’un même thème [10], qui le confirmeront ou en feront rejaillir l’inspiration. La fidélité à la promesse ne sera aucunement un problème, elle n’aura jamais à faire l’objet d’un vouloir déterminé, qui la rendrait violente, elle sera un fruit de la vie, sincère dans un propos constant et toujours nouveau [11].

Répondre à Dieu qui appelle dans une famille religieuse est se consacrer à lui dans cette famille. C’est en effet, comme dit le Concile [12], « dédier entièrement sa vie au service de Dieu ». C’est un acte éminent de ce « sacrifice spirituel » par lequel le chrétien « se donne à Dieu » comme une « hostie vivante et agréable » (Rm 12,1) et l’on y reconnaît « l’exercice plénier du sacerdoce universel des baptisés et des confirmés » [13].

En ce point, il peut être bon d’évoquer l’ensemble des réalités en cause dans l’acte par lequel le fidèle devient un « religieux », répondant librement à l’appel de Dieu qui « se suscite des serviteurs dévoués tout entiers à son service et se les attache par la médiation de l’Église ». Ce condensé de données concrètes fait bien sentir combien l’état religieux et la consécration sont dans la ligne « la plus logique » de la grâce baptismale, dont « un fruit plus abondant », comme dit le Concile, doit normalement être accordé à cette « ferveur de la charité et ce culte plus parfait » que seront une activité fidèle à la promesse. Cette consécration, écrit le fr. Michel Sauvage [14],

engage d’une manière spéciale (dans la Sequela Christi, selon la loi évangélique de charité et à des renoncements ordonnés à la plénitude de_ la liberté des enfants de Dieu ; elle place le religieux au cœur de l’Église, le voue d’une manière spéciale à vivre son mystère de corps sacerdotal, d’Épouse liée au Christ Seigneur par l’amour sans partage et la sainteté de la vie, d’assemblée unie par la communion de l’amour fraternel, de peuple choisi, envoyé au monde pour son salut ; elle met tout spécialement le religieux au service de l’Église pour travailler à l’œuvre du Royaume de Dieu ; elle fait de lui le témoin visible des réalités dernières, secrètement présentes au cœur du monde actuel, c’est-à-dire essentiellement le voue à exprimer visiblement la présence active ici-bas du Christ ressuscité, à manifester l’action gratuite et souverainement libre de l’Esprit dans le cœur des hommes, à proclamer par la vie que les noces éternelles de l’Agneau ont déjà mystérieusement commencé dans l’Église, épouse virginale et féconde de Jésus-Christ, que la louange éternelle des fils de Dieu retentit déjà dans l’assemblée terrestre des « saints ».

Le principe de cette « donation totale au service de Dieu » étant au plus profond du cœur qui se fixe en Dieu, le Concile dit que le religieux « se consacre plus intimement au service de Dieu » [15]. Cet intimius est deux fois remarquable : il contraste avec la tendance moderne à une activité trop commandée de l’extérieur par les données du monde et correspond à cette inspiration toute spirituelle des « conseils » où nous avons reconnu l’âme de la vie religieuse [16] ; et il semble assez nouveau dans le vocabulaire de la vie religieuse au sujet de sa structure spécifique [17].

Ainsi considérée du plus intime du mouvement d’offrande de soi-même en réponse à l’appel de Dieu, et s’exprimant en une promesse définitive que l’Église sanctionne de la part de Dieu, la consécration religieuse a toute la force nécessaire pour engager la vie. Le Concile n’a rien voulu dire de plus. Il a évité de parler d’une consécration par Dieu ; il ne fait jamais état que de la consécration à Dieu.

Il semble avoir eu deux raisons. D’une part, il a voulu que sa doctrine vaille même pour les instituts séculiers [18]. D’autre part, un Concile évite toujours de canoniser, si l’on peut dire, une doctrine qui rencontre d’assez fortes oppositions et veut exprimer la conviction universelle. Or c’est déjà beaucoup qu’il ait employé avec tant d’insistance, en des contextes multiples [19], le mot de « consécration », auquel nombre de nos contemporains répugnent, ne l’admettant, lorsqu’il s’agit des personnes, que dans l’ordre sacramentaire.

Quoique les vœux religieux ne soient évidemment pas des sacrements, nous croyons qu’ils comportent une consécration par Dieu. Ils appartiennent à un ordre plus que moral. Ils sont de cet ordre du Mystère, qu’évoque saint Paul au début de ses Épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens, et dont les sept sacrements sont dans notre monde les émergences privilégiées, mais non les seules. Dans le cas des vœux religieux, le fond des choses est la volonté indéfectible de Dieu. Puisque la promesse est une réponse à son appel, il l’agrée évidemment ; à l’offrande libre, il répond à son tour, et cette réponse est une emprise qu’il met sur le profès. Il n’imprime pas dans l’âme de celui-ci quelque modification des caractères du baptême et de la confirmation. C’est son amour qui veille, ainsi que sa justice, sur celui qui s’est spécialement donné à lui.

Il s’agit d’une détermination particulière de l’Alliance, la catégorie par excellence de la Bible, dont on a fort bien dit qu’elle « correspond à la notion grecque de nature en tant que loi permanente établie par Dieu » [20]. Une tradition constante et très forte témoigne tout au long des siècles de la conviction que Dieu tient dans sa main définitivement celui qui s’y est mis. L’idée apparaît sous la forme d’un pacte spécial conclu avec lui, ce qui, dès le début du IVe siècle [21], est beaucoup plus qu’un propos émis par la liberté humaine : c’est un rapport réciproque, de part et d’autre formel et actif. Pour saint Théodore Studite, « Dieu possède nos professions écrites par le témoignage des anges » [22]. Les liturgies de la consécration des vierges auxquelles le, Concile réfère, évoquent tout un monde spirituel dans lequel la profession fait pénétrer. Pour saint Thomas, le vœu fait participer à la confirmation dans le bien des bienheureux [23], et toute sa doctrine des vœux manifeste le sens d’un absolu des droits de Dieu sur qui s’est « solennellement » engagé [24]. C’est le sens profond du Mystère de l’Alliance qui, appliqué au cas d’une alliance plus intime et déterminée en son accomplissement, mystique aussi bien que temporel, oblige à reconnaître aux vœux religieux une nature beaucoup plus que juridique et morale [25]. Ils sont, disions-nous, la célébration d’un mystère sacrificiel, synthèse, comme tout sacrifice, de ces deux actes : l’un d’offrande, qui « monte » du plus intime du cœur, l’autre d’« immolation » [26] ou « consécration », qui « descend » de Dieu en agrément de l’offrande. Nous ne voyons pas comment on peut se donner d’une façon spéciale au Dieu de la Bible, sans que sa « puissante main » (Is 26,11 ; 1 P 5,6) « repose » (Is 25,10) sur celui qui se donne, « terrible » si l’on y « tombe » (He 10,31), « soutien » (Ps 89,22), source de force et de salut pour qui « se remet en elle » (Ps 31,6 ; Lc 23,46).

Les consécrations comme mystères divins sont analogiques. Il y a celles qui impriment un caractère sacramentel (ou un quasi-caractère) [27] : les « consécrations » du baptême, de la confirmation, de l’ordre et du mariage ; – il y a la « consécration » eucharistique qui va jusqu’à opérer la transsubstantiation du pain et du vin en le corps et le sang du Seigneur ; et il y a les « consécrations » qui font passer un être, à un titre particulier, sous l’emprise du Dieu Vivant. C’est cette réalité de l’emprise exercée par Dieu sur un être humain, proportionnellement à l’appel et à la réponse libre, qui nous paraît éminemment biblique et traditionnelle et où nous ne pouvons pas ne pas voir la clef de voûte nécessaire de la doctrine de la vie religieuse.

Nous avons évité, dans ces dernières réflexions, d’employer les mots : « mise à part », qui définissent d’ordinaire une consécration et qui sont, de fait, bibliques [28] et traditionnels. La mentalité actuelle y est trop allergique. Il faut voir positivement les choses : les réalités de la vie auxquelles Dieu appelle, différentes du reste selon les vocations, puis le vœu de passer « dans la sphère du divin » [29], et la main-mise effective de Dieu, qui y introduit. Quelles sortes de séparation s’ensuivront-elles [30] ? Chaque modalité de la vie consacrée en requerra une, à déterminer. Radicalement, le principe vital de toutes les discriminations, la mystique du Royaume, est principe à la fois, corrélativement, et pour tout chrétien, de séparation et de communion universelle. Elle l’est d’une façon plus déterminée, lorsque Dieu détermine la vocation et appelle à réaliser un milieu de vie original, en quelque sorte sécrété par cette mystique elle-même, au lieu de suivre les voies communes. Le Concile enseigne que la consécration peut être plus ou moins parfaite [31], et l’on doit certainement ajouter qu’elle varie aussi en ses modalités.

Où se trouve précisément le danger de la « mise à part » que comporte la consécration ? Il est aujourd’hui, mais d’une façon exceptionnellement aiguë, là où il s’est toujours trouvé. Il n’est plus du tout – ne perdons pas notre temps à fustiger les fantômes évanouis ! – dans quelque propension à se traiter comme une caste de « purs », élevés au-dessus de la médiocrité, voire de la perdition, commune, ou dans un primat donné à la religion sur l’amour. Il est maintenant à l’extrême d’un dilemme de tous les temps, qu’en tous les temps on sut parfois éviter, dans lequel en tous les temps aussi on tomba : soit durcir le milieu vital, que l’exigence évangélique se constitue, en un système [32], composé d’idées, de mentalité, de tendances passionnelles et d’un « style de vie », – soit, par réaction inconsidérée contre ce durcissement, ruiner l’état religieux, ou le corrompre plus ou moins, en refusant le spécifique du propos, la rupture et le retournement qu’il doit opérer, l’originalité du milieu de vie qu’il doit inspirer.

Le Père Chenu a étudié un cas éminemment typique du durcissement en système, celui de l’admirable monachisme du XIIe siècle [33]. Lorsque, guidé par ce maître, on épouse les intuitions d’un Rupert de Deutz, on en est convaincu, et l’on comprend comment on peut être entraîné à prendre pour la Cité de Dieu elle-même ce milieu vital d’une « mystique » sublime, procédant évidemment de la Bible, ce milieu d’institutions, de culture qui semblent homogènes à la Parole de Dieu, nécessairement engendrées par elle ; on comprend, du dedans de tout ce milieu, comment il projetait dans le monde sa propre image hiératique. Tout conspirait à le faire abonder dans son sens. Mais soudain, quel réveil ! Au régime de ce système, la fidélité même à la consécration, toute évangélique qu’elle semblait, empêchait de percevoir les valeurs évangéliques, qui resurgissaient, vives, déconcertantes, dans le monde ambiant en évolution. Quand l’évolution est mutation [34], à la mesure et à la rapidité actuelles, le phénomène risque de se produire plus gravement. Par la crainte, salutaire, de cette sorte d’aliénation, ne va-t-on pas désagréger l’état religieux ? Car il faut aujourd’hui une appartenance aux réalités du temps, vive à la mesure de leur nouveauté, pour entendre en elles la voix de Dieu : Vox temporis, vox Dei [35]. Reconnaître les « signes des temps », révéler les germes de grâce épars dans le monde, très loin des manifestations visibles de l’Église, l’Église est saisie par l’urgence et la gravité de ce devoir, elle comprend que sa mission en dépend, et d’abord l’authenticité même de sa vie [36]. Or elle compte pour cela sur un service particulièrement efficace de ses consacrés : leur séparation doit, dit-elle, leur assurer « une présence plus profonde du monde dans le cœur du Christ, – in visceribus Christi » [37]. Évidemment, c’est à la profondeur où ils se séparent qu’il nous faut apercevoir et leur chance d’être vrais dans cette présence, d’y être perspicaces et efficaces, et leur risque de fausser ce prophétisme. Il faut évidemment que leur séparation ne soit que la condition de disciplines favorables à une vie profonde qui les accorde à ce qui s’accomplit dans les profondeurs du temps [38].

Au lieu de cela, ce que nous voyons, sauf exceptions heureuses, c’est le partage entre deux tendances opposées : le plus grand nombre se précipitent au dehors ; ils font affluer au dedans de leurs vies, sans discernement, les agitations extérieures, et ne le faut-il pas, puisque c’est bien dans les signes que nous fait l’actualité telle qu’elle passe que nous apparaissent « les signes des temps » ? Ils ne prennent pas garde qu’ils s’exilent du monde intérieur qui seul délivrerait leur regard profond. Un assez petit nombre – individus douloureux, dans un milieu qui n’est plus celui de leur vocation, telle du moins qu’ils la comprenaient, rares communautés qui font encore figure anachronique – maintiennent ce qu’ils peuvent des disciplines favorables à la vie profonde, mais les conditions en sont de plus en plus difficiles et ceux qui y demeurent attachés ne voient pas que le repliement est le pire ennemi du retrait nécessaire à cette communication en profondeur que doivent vouloir ces religieux et que l’Église attend d’eux.

Il n’y va de rien de moins que de l’existence valable de l’état consacré dans l’Église, à une époque où son urgence est plus grande que jamais. Le Saint-Père est allé jusqu’à dire que la cause de cet état est celle-même de Jésus-Christ [39]. De fait, dans un monde dont le dynamisme est plus violemment qu’à aucune époque, celui de la « chair » exigeant son « autonomie absolue », où sont actifs en un paroxysme inouï – avec certes de merveilleuses amorces pour l’Évangile – les principes qui en font « le monde », au sens péjoratif de saint Jean [40], il est vital pour la foi d’accuser de la façon la plus décisive une sequela Christi, évidemment spirituelle, pascale, eschatologique, manifestée en un état de vie, ce qui est dire, à moins d’illusion, en un régime effectif de vie.

IV. La vie consacrée, en ce « second XXe siècle »

On cherchera en vain une autre solution qu’une accentuation très résolue du rythme de rupture et d’engagement, caractéristique de toute vie chrétienne/accentuation dont il s’agit maintenant de reconnaître les qualités que lui imposent, en toutes les familles religieuses, les données propres à notre époque. De toute évidence, chacune de ces familles devra trouver la modalité originale de ce rythme que commande sa vocation. A l’intérieur de nombre d’entre elles, il faudra beaucoup le diversifier, même d’une maison à une autre, et même entre certains religieux d’une maison.

Pour l’instant, la rupture est habituellement sacrifiée. Souvent, on en refuse le principe même. On se figure qu’il suffit d’éviter le péché et de rectifier certains jugements en vertu de la foi, moyennant quoi ce qui subsiste d’usages propres à la vie religieuse n’est plus guère ressenti que comme conventions arbitraires ; ces usages n’ont plus leur vertu ; ils gênent dans le dessein de jouer le jeu du monde moderne, monde du travail profane, des solidarités multiples, de l’afflux indéfini des connaissances. Tout se brouille par « adaptations », d’un optimisme superficiel, par l’adoption de « styles de vie », convenus selon les modes du jour et qui sont souvent fort opposés au génie des familles religieuses. A supposer que ces entraînements ne portent pas d’atteintes sérieuses au sens chrétien lui-même, en quoi les religieux diffèrent-ils alors de la généralité des fidèles, dont la vocation est de vivre au régime que leur fait le monde ? Par les survivances gênantes d’autrefois, par la consécration de leurs vœux, mais douée de moins en moins de réalité efficace, sauf la chasteté – elle-même en passe de mésestime par rapport au mariage – et par les fonctions de leurs instituts, que d’autres accomplissent aussi bien qu’eux. On a beau voir se renouveler l’expérience des difficultés qu’éprouvent les « simples fidèles » à vivre en chrétiens malgré les courants du monde, on se livre à ceux-ci, quant à la mentalité et quant à la conduite effective de la vie, tout en perdant les bienfaits de la consécration, lesquels ne se font sentir que si elle est résolument vécue comme rupture.

On n’obtiendra pas le rythme efficace de rupture et d’engagement, dans l’état actuel des mentalités et des mœurs, par la simple alternance des temps que l’on accordera à la prière et à d’autres disciplines qui sont dans la tradition de l’état religieux, et des temps que l’on donnera à l’activité extérieure. Certes, il est capital de distinguer nettement les temps, les fieux, les fonctions. Actuellement, on les brouille, comme tous les éléments de la vie religieuse. Nous pensons volontiers que si l’on faisait vraiment « avec âme » (comme dit deux fois saint Paul : Ep 6,6 ; Col 3,23) ce que l’on a à faire, en le différenciant bien, en réveillant dans une activité réaliste aux choses et aux personnes, le sens intime de la plénitude de l’amour et des béatitudes, l’on retrouverait de proche en proche quelque sens de la vie effectivement consacrée. De fait, quand les religieux mettent dans ce qu’ils ont à faire les très simples qualités humaines des artisans qui s’appliquent avec compétence et cœur aux gestes de leur métier, la nature même de leurs obligations comporte sa grâce et on les voit se réorienter vers la « mystique » de leur état. Mais une réforme sérieuse, une vraie rénovation de l’état religieux, telle que le Concile la souhaite, exige une prise de conscience singulièrement avertie, nette et générale d’une dysharmonie dont souffre l’homme moderne. Elle est corrélative à la formidable mutation de l’humanité et du monde. Dans tant de débats, contestations et recherches auxquels on se livre au sujet de l’état religieux, on n’en tient aucun compte. Ils en procèdent inconsciemment. Cette dysharmonie compromet la fidélité, et radicalement la foi elle-même. Expliquons-nous.

C’est elle qui s’est manifestée à nos yeux dans l’abus de l’activité mentale et volontaire, coupée du sens spirituel, du « cœur », et insoucieuse d’une intégration spirituelle de la sensibilité. L’intégration, l’exigence primordiale du vivant ! Ni la raison abstractive et discoureuse, ni les coups de la volonté ne la procureront à l’homme. Ils le désagrègent toujours davantage, au régime des techniques qui le violentent, de l’afflux désordonné des sensations, de l’activité desséchante, passionnée, discordante. Il s’aliène dans les choses [41]. Il s’aliène en séparant « la sensation du sens significatif, les objets des sujets, le particulier de l’universel, le fragmentaire du total, le faire de l’être, l’avoir consolidé de l’être qui en faisant se fait » [42]. Tous les observateurs de l’homme s’inquiètent de son destin et le rappellent à la sagesse, depuis Freud qui lisait dans les profondeurs psychiques le « malaise de la civilisation », jusqu’au poète qui déchiffre comme « une confession chargée » [43]. les expressions sensibles de la foi chrétienne au cours des cent dernières années, et y lit « une défaillance de l’âme en occident » [44]. La foi ne peut naître ni croître dans un esprit dont le regard n’accommode plus au-delà de ce qui se voit, refuse comme irréel ce qui ne se montre ni ne se démontre [45]. La fidélité n’est possible, disions-nous, qu’à l’être de réelle intériorité et transcendance, capable d’unifier son moi empirique, à la faveur d’une création de soi-même ; il faut, pour que le propos ait la constance de la vie entière, qu’il ait une emprise suffisante sur les tendances qui risquent de le mettre en échec.

La vie religieuse est beaucoup trop une agitation d’idées théoriques et de vouloirs pratiques coupés de la mystique dont elle est née et dont elle doit sans cesse renaître, dénuée de l’humble discipline de comportements sans lesquels il est vain d’espérer que l’âme « se compose ». C’est faire le jeu des forces à l’œuvre dans le monde, mortelles pour les valeurs les plus humaines. Combien il est fréquent que les hommes, lorsqu’ils prennent conscience du danger que court actuellement l’homme, ne puissent trouver un spirituel parmi des consacrés ! Ils vont aux swammis, ils se tournent vers le zen, le yoga, le soufisme [46]. Heureux quand les consacrés ne s’emploient pas avec un zèle passionné à ruiner la vie spirituelle dans le monde chrétien [47].

C’est à la « mystique », dans sa plus intègre et intégrale plénitude, d’être le principe de « l’unité d’âme et de cœur en Dieu » (Ac 4,32 ; Règle de S. Augustin). L’initiation devrait être assez forte et intégrale au départ, la vie elle-même devrait assurer un progrès assez convaincant de cette initiation, pour que cette « mystique » soit comme l’air qu’on respire dans un milieu consacré, comme le sang des consacrés [48]. Maritain a parlé un jour des « minorités de choc prophétiques » qui sauvent dans le monde la vie de l’Esprit, qui la font avancer dans les âmes de bonne volonté. Où sont-elles dans l’Église, si les communautés des consacrés n’en sont pas ? Et ne nous payons pas de mots ! Ne prétendons pas qu’elles en sont quand on n’en sent rien et qu’au contraire les religieux qui se répandent en surface se montrent aussi sourds aux appels profonds du temps que les mondains frivoles. Le P. Schillebeeckx a dit que les instituts religieux sont dans l’Église des « charismes cristallisés » [49]. Un charisme n’est pas un automatisme. Il n’agit qu’à l’état naissant. Il faut que la vie de chaque religieux, de chaque communauté, en délivre la vertu, tant elle ne cesse elle-même de renaître de l’intuition spirituelle qui l’a suscitée [50].

Tout au contraire, un peu partout, ce qui prévaut dans les milieux religieux, c’est le tumulte des « contestations ». Avec quelle passion, quelle agressivité, beaucoup appellent « recherches » la mise en accusation des bases de leur vie, et de celles de leurs frères, de la vie chrétienne ! Pour sûr, toute communauté religieuse doit être un foyer de recherches, et les religieux, surtout dans les instituts apostoliques, doivent même entrer dans les pensées les plus aberrantes de nos contemporains, tellement que ceux-ci en attesteraient la fidélité, s’ils étaient là, et tellement que les religieux en reçoivent l’interpellation, remettent réellement en cause sous ces jets de lumière leur fidélité à la Vérité ! L’expérience ne cesse de montrer combien « habiter avec la Vérité », ce qui s’impose quand on lui est consacré (cf. Jn 17,17), est favorable à cette ouverture, à cette pénétration et à ce courage. Mais autre chose est cet éveil nécessaire aux pensées adverses, autre chose les atteintes portées par l’agitation passionnelle de l’esprit à la Vérité dont elle fait perdre le sens [51].

C’est encore la « mystique » qui doit animer l’activité extérieure. Ce que nous avons dit manifeste assez qu’elles sont aussi corrélatives l’une à l’autre que l’âme et le corps [52]. Une formule du Concile signifie, par son étrangeté même, combien, dans une vie vraiment fidèle, c’est cette « mystique » qui règne dans les diverses tâches : « Ne chercher avant tout que Dieu seul » [53]. Voyons ! Si on « ne cherche que Dieu seul », il n’est avant rien ! S’il n’est qu’avant tout, il n’est pas seul ! Mais justement, il « ne fait pas nombre » avec les objets de l’action. S’il est vraiment DIEU pour qui lui est consacré, il n’y a jamais que Lui seul, et tout prend une valeur singulière du fait que l’on est voué à tout instaurer en lui. « Mystique » et activités sont corrélatives, comme divers modes du mystère du salut en progrès.

La discipline est un peu partout dans un grand désarroi, tout ce qui fait le régime quotidien de la vie. Cela est trop naturel. Non point qu’on puisse admettre une réaction trop humaine contre le formalisme d’antan [54] ; si les religieux étaient les adultes qu’ils prétendent – et doivent – être, ils liquideraient ce ressentiment-là et combien d’autres. Mais l’« adaptation » nécessaire pose une foule de problèmes embarrassants. Leur difficulté même et l’ouverture au monde ambiant – très différemment nécessaire dans les diverses maisons – obligent à retrouver ce sens de l’intégration spirituelle, dont nous avons vu combien la perte en est dangereuse dans la crise actuelle de l’homme. C’est lui qui doit présider aux usages, alors qu’on bouleverse ces derniers sous les effets de la dysharmonie qui affecte l’homme. Ce désordre aggrave celle-ci, alors qu’une réinitiation à l’art de symboliser les béatitudes dans les comportements disposerait merveilleusement à la vie selon l’Esprit. Loin de se soucier d’un éveil de tout l’être à la dilection et aux béatitudes, on ne revalorise le corps et la sensibilité (contre « Descartes » !) que pour en faire des instruments de l’action froidement réfléchie ou passionnée, – nullement les soutiens rayonnants de la « mystique » ! Combien de maisons religieuses ne sont plus que des chambres de résonance pour les tumultes du monde ! Silence, clôture, régularité, tenue ne font l’objet que de raisonnements très courts, commandés par une conception utilitariste des « moyens » [55]. Le régime de vie ne prend son sens qu’en fonction de cet « état de chant » auquel il doit aider en le symbolisant [56]. Il doit constituer un réseau de signes sensibles, qui aient leur efficacité selon les lois de la suggestion [57], pour manifester les réalités qu’on a vouées, notamment pour faire jouer assez aisément le ressort intime du propos, de la promesse, – pour signifier le renoncement « à des biens qui méritent une grande estime » [58], et donc éveiller dans le concret de la vie, faite de petites choses, l’esprit de sacrifice, le sens de la croix, – pour aider à unifier chaque religieux et la communauté dans l’écoute de la Parole [59], – pour renouveler, à la faveur même de l’austérité de ces signes, le sens authentique de la liberté évangélique [60], faire « avancer dans la joie spirituelle » [61].

Que la vie religieuse se renouvelle, dans les lignes que sa « mystique » nous a fait apercevoir et avec ce souci de réalisme, elle aura chance de permettre l’accomplissement d’eux-mêmes selon leur vocation à ceux qui y sont appelés, notamment à ceux qui en ont le plus vif besoin, ces imparfaits qui aspirent à revenir des spirituels et à qui le monde, tel qu’il est, « chrétien » aussi bien que païen, est trop défavorable [62] ; pour lors, bien souvent, elle ne leur vaut pas mieux que le monde. Elle aura chance de remplir pour le salut temporel de l’homme, dans la crise qui ne fait que commencer, un rôle plus bénéfique encore que celui qu’assura le monachisme, sauvant quelque chose de la civilisation, dans les « siècles noirs » du premier moyen âge. Elle aura chance, pour le salut éternel de l’homme, d’accomplir sa fonction épiphanique.

Mais on aura senti que les chances sont à la mesure des risques. Le destin actuel de l’homme oblige les consacrés à vivre avec assez de plénitude le mystère pascal pour que, d’un même mouvement, le sens contemplatif de l’économie rédemptrice et les engagements réalistes dans la condition humaine, permettent cette écoute profonde du monde qui dégage la voix de Dieu des voix du temps. Le monde moderne, nous jetant un défi sans précédent dans le passé, nous oblige à reconnaître le prix à payer pour avoir droit à l’optimisme, nous qui invoquons toujours un optimisme téméraire pour nous dispenser de mettre le prix : l’état consacré, plus qu’aucune autre réalité ou valeur, dans le monde moderne, doit supervivre pour survivre [63], – très humblement.

Couvent de Saint-Jacques
Paris

[1Cf. Saint Thomas, III, Contra Gentiles, ch. 136, au début.

[2Ainsi Pallade : « Nous devons faire abstinence et jeûner, mais sans nous soumettre à la nécessité du jeûne, de peur que nous fassions sans dévotion une chose qui doit se faire de plein gré » (cité par Dom P. Séjourné, art. « Vœux de religion », dans Dict. de théol. cath., t. XV, 2, col. 3269).

[3Ibid., col. 3274.

[4Rien de caractéristique comme l’oubli, depuis la basse scolastique, de la grande doctrine augustinienne et thomiste, de la ratio superior, c’est-à-dire de l’esprit en tant qu’il s’ouvre à la lumière divine et la fait effectivement rayonner sur les idées et les vouloirs relatifs aux choses de ce monde. Cf. saint Thomas, S. Th., I, q. 79, a. 9 ; I-II, q. 15, a. 4 ; q. 74, a. 7-10 ; II-II, q. 8, a. 3 ; q. 9, a. 2 ; q. 45, a. 3 ; q. 182, a. 4 ; III, q. 46, a. 7. – Cf. M.-D. Chenu, O. P., « Ratio superior et inferior », dans Revue des sciences philos. et théol., 1940, 84-89 ; J. Maritain, Science et Sagesse, Paris, 1935, pp. 257-266 ; R. Bernard, O. P., « Le Péché », t. I, pp. 329-330, dans saint Thomas, Somme Théol., Édit, de la Revue des Jeunes.

[5Immanquablement, certains lecteurs achopperont ici, craindront l’esprit de chapelle, opposeront le sens plénier qu’il faut avoir du Mystère du Christ et cette « mystique » propre à une famille religieuse. Cette crainte et cette opposition ne peuvent se concevoir que sur le plan « mental », dans l’obnubilation du « spirituel ». Une véritable « epignosis », dans un milieu vital déterminé, exalte l’un par l’autre le sens du Mystère en sa plénitude, et de l’Église, et du monde, et le sens de la vocation personnelle, de la famille spirituelle dont on fait partie. – C’est ainsi que le premier religieux cité se laisse évidemment abuser par des concepts et mots. Il oppose l’absolu et le relatif, alors que dans nos conditions temporelles l’un n’existe que dans l’autre, et l’autre doit être sans cesse pensé et vécu comme ouvert à l’un.

[6J’ai essayé de décrire cela dans mon article Les spirituels dans l’Église, dans Lumière et Vie, n. 67. Cela me paraît d’une importance capitale, partout méconnue en notre ère de ratiocination intempérante et de rationalisations nécessaires.

[7Offertoire de la Messe de mariage.

[8Le R. P. Delos a bien voulu me faire remarquer combien, dans l’ordre simplement philosophique, la personne offre le principe d’une consécration qui est objective, de par sa possession de soi en son intériorité, et en ses relations sociales. Comme dit J. Maritain, elle « surexiste en connaissance et en amour » (La personne et le bien commun, Desclée De Brouwer, 1947, p. 33 ; cf. Court traité de l’existence et de l’existant, Paris, 1947, ch. III).

[9« Promettre n’a de sens que pour une conscience tendant à l’unification de son être empirique et d’un moi qui est sa propre création, tendant à l’adéquation de l’être empirique dont elle est solidaire et d’une position de soi par soi. Adéquation à quoi nous ne pouvons que tendre, ce qui légitime la promesse, et justifie notre hésitation à promettre. » J. Balmès, Leçons de Philosophie, II, 524. – Nabert (cité, ibid., p. 675) : « Durer, pour une conscience qui engage sa causalité dans une décision, consiste à maîtriser les idées issues de l’acte, ou plutôt contemporaines de l’acte, et à maintenir leur hégémonie, non seulement de manière à en expliciter le sens, mais à en éprouver la fécondité » (combien cela est important, dans le développement d’une vie consacrée).

[10J. Balmès, o. c., p. 524 : « l’impression diversifiée d’un même acte originaire ».

[11Sur tout cela : « Le Drame de la Fidélité », dans mon livre Portrait spirituel du chrétien, Éd., du Cerf, Paris 1964, pp. 307-328.

[12Perfectae caritatis, n. 5, al. 1.

[13Ces expressions sont du fr. Michel Sauvage, La vie religieuse laïque d’après Perfectae Caritatis, Rome, mai 1966 (polycopie), p. 8, reprenant les termes d’une intervention au Concile de Mgr Sauvage, évêque d’Annecy (texte latin, ibid., n. 46).

[14O. c., p. 17.

[15Lumen Gentium, n. 44, al. 1.

[16Une réaction inconsidérée contre la vie intérieure est un des maux fréquents du christianisme actuel. Elle retarde. Le mal n’est plus que bien exceptionnellement dans une « vie intérieure » désincarnée du corps physique et du corps social, comme il lui arriva souvent de l’être autrefois.Le Concile a plusieurs fois mis l’accent sur l’intériorité : décret sur les missions n. 18 ; Gaudium et Spes, n. 14 ; Lumen Gentium, n. 36.

[17Quoique, bien entendu, le sens de cette intimité ait toujours été vif et décisif. Cf. O. Rousseau, O. S. B., « Communauté ecclésiale et communauté monastique », dans La Maison-Dieu, n. 51, p. 23. – G. Martelet, S. J., dans Vie consacrée, 1966, p. 37 : « C’est en se convertissant à son centre que la vie religieuse ravivera sa jeunesse dans l’Église et dans le monde ». Sur ce point encore (cf. p. 283) nous souhaitons des recherches historiques. Il faudra suivre le filon que manifeste si admirablement Guillaume de S.-Thierry (Aux Frères du Mont-Dieu, I, 5) : « Les autres se contentent de servir Dieu. Votre lot à vous est de lui être intimement unis. Les autres ont pour eux la foi, la science, l’amour, la révérence. Vous, vous avez le savoir savoureux, la pénétration spirituelle, la connaissance, la jouissance ». Écho de toute la tradition monastique, Dom Placide Deseille, O. C. S. O., dans ses admirables Principes de Spiritualité monastique (polycopié, hors commerce, Abbaye de Bellefontaine, 1962), présente le monachisme comme « l’aspect le plus intérieur de la tradition ecclésiale ». Cet aspect intérieur étant nécessaire à tous les chrétiens, nous souhaitons vivement que ce petit ouvrage soit mis à la disposition de tous, surtout des « simples fidèles », en précisant sur chaque point que c’est bien ce même « aspect intérieur » qui vivifie leur propre condition. Ces descriptions concrètes dissiperaient le fantôme d’une prétention à l’« adaptation » d’un système de « spiritualité monastique » à la généralité des fidèles, tout en faisant sentir combien la vie monastique et, en général la vie religieuse, est vraiment « au cœur de l’Église ». On ne peut le voir qu’en cette profondeur « intime ».

[18Qu’est donc la « consécration », au sens large, des professions qui ne sont pas des vœux ? Nous n’osons le dire. Salvo meliori judicio, nous nous rallierions volontiers à l’opinion du P. Isaac (Forma Gregis, juin 1963, pp. 79 et 81) : Les professions faites dans les Tiers-Ordres ne sont pas des vœux : ces promesses ne sont pas faites à Dieu lui-même, mais à l’Abbaye dans l’oblature, à l’Ordre par les tertiaires, en certains cas à l’Église. Entre cette sorte de profession et les vœux religieux se situent les promesses en certains Instituts séculiers : Il y a « une promesse officielle et publique à l’Institut, entraînant en retour la consécration de l’Église ».

[19Lumen Gentium, n. 44, al. 1 et 2 ; n. 45, al. 3 ; n. 46, al. 2 ; – Perfectae caritatis, n. 1, al. 3 ; n. 5, al. 1 et 2 ; n. 12, al. 1 ; – décret sur les Missions, n. 18, al. 1.

[20J. Daniélou, « Penseurs et mystiques d’Israël », dans Études, mars 1951, P. 365.

[21Dom Séjourné, Dict. de Théol., art. « Vœux de religion », col. 3268.

[22Parva catechesis, 9.

[23S. Th., II-II, q. 88, a. 4, ad 1.

[24Que l’Église dispense aujourd’hui du « vœu solennel », sans doute est-ce qu’elle a lieu d’estimer, le plus souvent, qu’il n’y a pas eu consécration, par quelque défaut dans l’acte de l’offrande. En tout cas, elle manifeste, comme dit le P. Mennessier, O. P. (« La Religion », t. II, p. 441, dans saint Thomas, Somme Théologique, Édit, de la Revue des Jeunes), qu’« elle est juge, au milieu des variations de la vie sociale, de ce qui peut le mieux assurer le respect des droits divins. » Puisque le ministère de l’Église a le pouvoir de signifier l’emprise de Dieu sur un fidèle, il faut aller jusqu’à déclarer qu’elle doit en suspendre l’effet, si cela lui paraît nécessaire, au moins quant aux obligations et rapports temporels. La réalité profonde des rapports avec Dieu d’un être qui s’est donné réellement et définitivement à lui demeure un mystère jusqu’au jugement dernier.

[25Il arrive que l’on conçoive la « consécration » comme un acte tout « spirituel » : l’engagement libre de soi-même, et les vœux comme tout juridiques. Par haine du juridisme, on fait alors consister la vie religieuse dans cette « consécration », les vœux risquant forts de n’être qu’un formalisme. Au vrai, ce que l’on appelle ainsi « consécration », c’est le propos, et ce sont les vœux qui consacrent. Mais c’est qu’ils sont un mystère. Ils relèvent de la « morale » en tant qu’elle est théologie, science et art de la vie humaine divinisée. Ils relèvent, certes, du droit, en tant qu’ils comportent des obligations sociales dans l’Église.

[26« Immolation » ne signifie pas mise à mort, mais acte de Dieu se réservant ce que l’homme lui offre. Cependant le « usque ad mortem » anticipe dans le sacrifice, fait d’« offrande » et d’« immolation », la mort, comme l’acte suprême de la vie consacrée.

[27« Res et sacramentum ».

[28Il suffit de voir l’article Onction dans le Vocabulaire de Théologie biblique du P. X. Léon-Dufour, Paris, Édit, du Cerf, 1962. Parmi les prophètes, investis sans que l’onction soit sacramentelle, et parmi les chrétiens, on situe aisément des religieux. – Il suffit de voir les notes de la Bible de Jérusalem sur Ex 19,6 (le peuple consacré) ; Jn 17,16 (« consacre-les dans la vérité ») ; Ac 9,13 (les chrétiens comme « saints »). – Cf. J. de Finance, Dict. de Spiritualité, t. II, 2, Paris, 1953, art. « Consécration », col. 1576.

[29Expression du P. de Finance, ibid. – J’ai entendu le P. A.-M. Besnard dire en référence à Ph 2,1 : « se mettre dans un champ de forces ».

[30Remarquable « Théologie de la séparation du monde », par le P. A. Motte, O. P., dans La Séparation du Monde, Paris, Éd. du Cerf, 1961, p. 139 suiv.

[31Lumen Gentium, n. 44, al. 1.

[32Cf. l’admirable ouvrage posthume de Péguy, trop peu connu, L’esprit de système.

[33M.-D. Chenu, O. P., La théologie au XIIe siècle, Paris, 1957, pp. 225-233.

[34Excellente vue d’ensemble de la mutation actuelle du monde : Abbé Heckenroth et Dr Bavouzet, Aggiornamento ou mutation, chez l’abbé Heckenroth, 6 rue du Dr Hénouille, Cachan (94).

[35C’était la devise du Card. Faulhaber. Jean XXIII l’a prise à son compte à la fin de sa vie. Elle suppose évidemment le discernement de la foi qui reconnaît et même révèle, dans les contradictoires voix du temps, la voix même de Dieu. Celle-ci ne nous vient pas que par la Parole révélée, l’enseignement de l’Église et les inspirations, mais aussi par les intimations de la pensée et de la vie présente : Dieu, qui est l’Infini Présent, se plaît à nous interpeller par les défis qu’il adresse à notre fidélité.

[36C’est, on le sait, une des significations majeures de Gaudium et Spes.

[37Lumen Gentium, n. 46, al. 2.

[38Nous craignons qu’on soit agacé par cette insistance sur les « profondeurs ». Nous devrions avoir la place de nous expliquer sur ces choses vers lesquelles la remarque du Concile nous oriente elle-même. Bien entendu, les « profondeurs » psychiques sont en cause. Mais il s’agit de ce que nous avons été obligé d’apercevoir dans l’histoire et d’appeler « le destin profond », si rarement reconnu des contemporains, si différent de ce qui capte leur intérêt, à la surface des idées et des événements. Cf. la IIIe Partie de mon Portrait spirituel du chrétien, Paris, Édit, du Cerf, 1964, et mon art. « L’exigence évangélique dans la violence du monde », dans La Vie Spirituelle de mars 1966, pp. 508-512-

[39Discours du 23 mai 1964, dans Doc. Cath., 7 juin 1964, col. 694 ; R. C. R., 1964, 153.

[40Cf. mon Portrait spirituel du chrétien, p. 481-493. – Qu’on regarde donc froidement les choses, au lieu de se l’interdire, du fait qu’on demeure obsédé par la crainte de dévaluer les réalités du monde moderne, ou de paraître céder à un esprit clérical qui boude le profane et se dépite de ne pas le régir ! C’est pitié que Ton soit handicapé par cette « problématique » adolescente, pour voir chrétiennement les éléments du destin actuel, qu’on demeure victime des ressentiments contre ce que symbolise la condamnation de Galilée ! Celle-ci demeure toujours possible, hélas ! mais ces ressentiments ne l’empêcheront en rien, et ils devraient être depuis longtemps liquidés.

[41Terrible description de ce processus : G. Perec, Les choses (Prix Renaudot, 1965).

[42K. Axelos, Marx, penseur de la technique, Paris, 1961, p. 118.

[43P. Claudel, en 1919, « Lettre à Alex Cingria », dans Positions et propositions, II (à propos des églises construites depuis le milieu du xixe siècle).

[44André Malraux. – Cf. les articles publiés par le P. M.-A. Couturier, dans L’Art Sacré, de 1948 à 1954 ; mon livre Art Sacré au XXe siècle ? Paris, Édit, du Cerf, 1952.

[45Le scientifique qui est en dialogue avec le chrétien dans le P. Dominique Dubarle, O. P., s’écrie : « Dieu invisible, Dieu étemel ? Mais moi je suis l’être du visible, l’être de la chose temporelle. L’invisible à l’état pur, l’éternel à l’état absolu, c’est de l’irréel. Le seul réel spirituel dont je puisse me saisir en fin de compte, c’est l’homme lui-même » (« L’homme scientifique et la liturgie », dans Signes du temps, janvier 1965, p. 25).

[46Cf. V. Walgrave, O. P., Autocritique d’un ordre religieux, Bruxelles, 40, avenue de la Renaissance, pp. 52-55.

[47En cela encore commandent les ressentiments adolescents : on a souffert d’une « vie intérieure » coupée du corps physique et des corps sociaux. On a constaté la fausseté du schème selon lequel la vie de grâce ne procéderait en nous que des prétendus « temps forts » d’« union à Dieu » et l’action ne causerait qu’une déperdition de ce précieux liquide. Alors on a décidément inversé le schème et Ton prétend ne ressourcer que dans l’action (puisque la charité fraternelle est théologale et que Test aussi la volonté de Dieu accomplie dans les tâches humaines). On ne veut pas s’avouer l’échec, le vide spirituel de ces rapports humains et de cette activité tout horizontale. On en vient à stigmatiser comme « évasion », « égocentrisme » toute vie intérieure. Quand donc sera-t-il entendu que si la vie est semblable au courant d’une rivière pour autant qu’elle avance dans le temps, à chacun de ses moments elle est comme un courant électrique, qui a besoin de deux pôles, qu’elle jaillit au mieux du contact le plus immédiat entre Dieu reconnu dans les sacrements et le secret du cœur, et Dieu reconnu dans les autres et dans les objets du devoir, et que cette double reconnaissance exige des rythmes nets de recueillement et de don de soi ?

[48L’idéal de la vie religieuse est de faire renaître la communauté des disciples à la suite du Christ, la première communauté de Jérusalem. L’une et l’autre étaient pleines de défauts et de fautes. Mais, tout indique que les premiers chrétiens reconnaissaient les orientations majeures de l’exigence évangélique, même s’ils y manquaient. Ils la voulaient pour la loi vivante des communautés et des personnes. J’en ai énuméré les principaux traits dans Suppl, de la Vie Spir., nov. 1965, pp. 420-421. Aujourd’hui, après tant d’études néo-testamentaires, dans combien de milieux consacrés respire-t-on l’atmosphère que composent ces convictions, les jugements quotidiens n’y contredisent-ils pas... ?

[50Et que dire dans la ligne traditionnelle, où la vie religieuse est comprise comme favorable à 1’ héroïcité des vertus, aussitôt après le martyre (cf. O. Rousseau, O. S. B., dans La Maison-Dieu, n. 51, 22, avec les références au P. M. Viller et au P. L. Bouyer) ? Le Concile, au ch. V de Lumen Gentium, aborde la vie selon les conseils aussitôt après le martyre (n. 42, al. 2 et 3).

[51Combien manque un sens assez averti de l’opposition qui existe, dans la ressemblance, entre les doutes qui mordent sur la foi et la « cogitatio » indéfinie dont la foi elle-même, « quaerens intellectum » est le principe, aussi aiguë que paisible sous la lumière de l’Intelligence et de la Sagesse, dans l’adhésion fervente de l’amour (cf. S. Th., II-II, q. 2, a. I). L’opposition que nous avons en vue n’en est, somme toute, qu’un cas extrême.

[52Le fondateur d’un institut religieux traite, fort bien, de « caricature » l’exposé fidèle des activités et des caractères apparents de cet institut. M.-D. Epagneul, F. M. C., En mission dans le monde rural, Paris, Édit, du Centurion, 1965, pp. 83-84. Caricature : la ressemblance y est, il ne manque que l’esprit.

[53Perfectae caritatis, n. 5, al. 5. – Cf. al. 1 : « ils ne vivent que pour Dieu seul » ; – n. 6. al. 1.

[54Il n’y a pas si longtemps qu’on pouvait écrire : « Qui se confie en la règle est sûr – absolument – que toute grâce, personnelle et collective, est dans la règle et vient de la règle. »

[55On ne devrait plus jamais traduire « ea quae sunt ad finem * et « media » par le mot « moyens », auquel la mentalité technique a donné le sens d’une cause qui fait obtenir adéquatement son effet. Les prétendus « moyens » de la vie religieuse sont dérisoires par rapport à leur fin – surtout lorsqu’on entend celle-ci dans toute la plénitude que nous espérons pour l’avancement du Royaume (cf. Suppl. de la Vie Spir., nov. 1965, pp. 403-407). Cette inadéquation fait qu’on s’en dégoûte. Mais ils sont nécessaires, et il faut respecter leur spécificité : n’importe quel symbole ne convient pas à ce qu’il symbolise et accomplit.

[56C’est l’état normal du chrétien et à plus forte raison du religieux : état de dilection (« cantare amantis est »), état de simplicité spirituelle (par rapport au discours), état d’une sensibilité qualifiée, épanouie par la présence vive de l’esprit (cf. mon livre Portrait Spirituel du chrétien, le mot « chant » à l’index) ; Lucie de Vienne, Spiritualité de la voix, Paris, Édit, du Cerf, 1960).

[57Cf. mon art. « Les lois de la suggestion au bénéfice de l’esprit », dans La Vie Spir., nov. 1955, p. 471 suiv.

[58Ils méritent une si grande estime que ces religieux s’accordent beaucoup de choses fort inutiles... Ne vaudrait-il pas mieux signifier à la fois l’estime et le renoncement ?

[59Tel est le sens de l’épisode de Marie aux pieds du Seigneur et de l’éloge qu’elle en reçoit : une vie unifiée à l’écoute de la Parole. (C’est bien, au fond, la vie « contemplative ».)

[60Cette liberté est admirablement décrite par Dom Jean Leclercq, O.S.B., dans La Liberté évangélique, Paris, Édit, du Cerf, 1965, pp. 78-79.

[61Lumen Gentium, n. 43.

[62Cf. Suppl, de la Vie Spir., nov. 1965, pp. 421-424.

[63Ne manquons pas de répéter ce mot du P. Teilhard de Chardin ; on peut le trouver dans « Les conditions psychologiques de l’unification humaine », dans Psyché, n. 26, déc. 1948, p. 1326.

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