Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Nous ouvrons nos placards à tous les amis de Thérèse

Un site d’archives à découvrir au Carmel de Lisieux

Camille Bessette, o.c.d.

N°2012-1 Janvier 2012

| P. 45-51 |

C’est une sorte de première mondiale que le Carmel de Lisieux nous permet d’annoncer ici : toute la documentation thérésienne enfin accessible via internet ! Présenté par l’archiviste du Carmel, le site en devenir comporte une majestueuse première section, dédiée aux œuvres de Thérèse elle-même ; les autres « volets » permettront aussi, finalement, de « rencontrer une autre Thérèse » ; qui ne s’en réjouira ?

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Les Archives du Carmel de Lisieux reçoivent souvent des chercheurs, thérésiens chevronnés, aussi bien que des étudiants au niveau de la maîtrise ou du doctorat, qui ont décidé de scruter Thérèse en théologie, mais aussi en histoire, en littérature… Ce sont de bons moments.

Mais les autres, tous ceux et celles qui aiment Thérèse, qui désireraient approfondir la pensée de notre jeune Docteur de l’Église mais qui ne seront jamais inscrits à l’université, qui ne pourront jamais fouiller aux archives du Carmel de Lisieux ? Pour eux tous, nous avons décidé de créer un site internet contenant une bonne partie du matériel sur Thérèse conservé dans nos archives.

Quatre volets

Ce site d’archives thérésiennes comprend quatre volets : les œuvres de Thérèse ; la vie en famille ; la vie au carmel ; après 1897.

La première section est consacrée aux œuvres de Thérèse : ses textes avec tous les fac-similés, mais aussi ses images, ses dessins et ses œuvres d’art. Elle sera présentée un peu plus loin.

La seconde section, en famille, propose des centaines de photos de personnes et de lieux, mais aussi les quelque 1200 lettres échangées par la famille, les proches et les amis, en « texte cherchable » (par le moteur de recherche) avec des opérateurs complexes. Le texte est visible soit par auteur, soit par destinataire ou encore, par date. On trouve aussi tous les événements marquants de la vie familiale, et le contenu de la bibliothèque des Martin-Guérin, avec plusieurs livres en « texte cherchable ».

La troisième section s’intitule au carmel. On y commence par la fondation du monastère en 1838 (un récit ancien), avec un plan des « lieux cherchables » et cliquables, des photos d’époque, et tous les objets conservés qui se trouvaient au carmel à l’époque de Thérèse. Ensuite, un dossier est consacré à chaque sœur contemporaine de Thérèse, et on trouve aussi tous les textes appuyant la formation religieuse de l’époque, à destination des jeunes qui entraient alors. Les travaux de la communauté sont décrits et expliqués par secteur avec du texte et des photos (en quoi consistait le travail à la sacristie, la fabrication d’images, de pain d’autel, le travail à la roberie…), sans oublier le livre de comptes, le contenu de la bibliothèque communautaire, et le « texte cherchable » de toutes les circulaires et livres lus au réfectoire du vivant de Thérèse.

Pour ces troisième et quatrième sections, on trouve en diaporama toutes les images reçues par Thérèse en famille ou au carmel, avec photo de l’image et numérisation du texte qui l’accompagne. Ceci permet de rechercher du texte souvent lu et médité par Thérèse, qu’elle reprend dans ses œuvres.

La quatrième section, après 1897, porte sur la diffusion des textes de Thérèse, d’abord avec L’Histoire d’une âme (la fabrication du texte initial, sa réception parmi les premiers lecteurs, les différentes éditions & traductions), puis avec les colossales éditions critiques. Ensuite, on passe à la diffusion des représentations de Thérèse (réalisées par Céline et d’autres), avec la fixation du canon iconographique du crucifix et des roses, et un diaporama des centaines de copies et plagiats qui ont suivi. Puis vient une présentation des Pluies de roses, incluant la Première guerre. Une bonne étude sur les deux Procès (de béatification et de canonisation) est également proposée, plus tous les témoignages et le Summarium, le Doctorat et son histoire, sans oublier la correspondance échangée entre les proches de Thérèse après sa mort.

La première section

Revenons sur la première section. Les Manuscrits ouvrent le site ; ils sont lisibles page par page, c’est-à-dire un folio à la fois : à gauche, sur une colonne, le texte tapé, et à droite en vis-à-vis le fac-similé du folio. Est jointe à cette présentation une série de petits articles sur le Manuscrit A : l’encre utilisée par Thérèse, les grattages, les corrections apportées par Thérèse elle-même (il y en a beaucoup !), les coupures de papier, les retouches et la fabrication artisanale du cahier final.

Suivent les Poésies de Thérèse, joignant toujours le texte tapé de l’œuvre au fac-similé existant, avec cette particularité de pouvoir lire aussi à l’écran les brouillons, conservés pour de nombreuses poésies, et les copies réalisées avec des variantes (comme pour Bellière ou Roulland). On peut alors « traquer » les modifications auxquelles Thérèse a procédé sur telle ou telle ligne. Très tôt, les poésies de Thérèse ont bénéficié d’une édition séparée, constamment rééditée, en plus d’une édition en minuscule format de poche, et d’une autre en petits feuillets détachés qu’on pouvait aisément glisser dans le courrier. L’imprimé, largement diffusé, sera l’unique texte connu des poésies de Thérèse jusqu’en 1979, date de l’édition critique – et il n’est pas tout à fait celui de Thérèse… Mère Agnès a retouché ici et là le travail poétique de sa jeune sœur, car l’irrégularité dans les césures l’ennuyait beaucoup, mais elle n’était pas la seule à en souffrir : le P. Norbert de l’Abbaye de Mondaye repassa toutes les poésies en indiquant à Agnès de Jésus les corrections à faire. Nous donnons à lire en synopse ce texte retouché avec le texte original de Thérèse.

On utilise dans le site cette même stratégie de « synopse » pour les Récréations pieuses, dont plusieurs passages ont été assimilés à des poèmes dans les premières éditions des poésies faites par le Carmel, subissant donc elles aussi l’opération de retouche qu’on jugeait alors nécessaire.

Enfin, dans les deux cas, pour les Poésies et les Récréations pieuses, nous présentons toutes les Partitions musicales originales utilisées par Thérèse – celles qui ont été conservées. On sait que Thérèse préférait composer ses poèmes en partant d’une mélodie existante, et il est intéressant de pouvoir chanter ses œuvres sur les airs qu’elle avait en tête… Mais il y a plus : en confrontant les couplets des mélodies originales au texte de Thérèse, on remarque avec étonnement que notre écrivain s’inspire à l’occasion du texte existant pour le gloser à sa façon. Un clic sur la partition ouvre celle-ci dans une fenêtre séparée pour pouvoir la lire en la comparant au texte de Thérèse.

Un petit plus pour ce volet des Récréations pieuses : les photos des costumes et accessoires utilisés par Thérèse pour jouer ses pièces – du moins, ceux qui sont conservés.

La Correspondance de Thérèse est livrée avec les fac-similés, et avec des brouillons lorsqu’ils existent. Cette lecture reste poignante jusqu’à la fin de sa vie, si l’on examine ses petits bouts de papiers couverts de lignes irrégulières. Notons qu’en ce qui regarde tous les fac-similés du site, on peut cliquer sur la photo pour en consulter une version agrandie.

Les Dernières paroles présentent en fac-similé le « Carnet jaune » de Mère Agnès et le petit carnet de Marie du Sacré-Cœur. On met aussi graduellement en ligne dans cette section les photos de tous les objets de l’infirmerie conservés aux archives, au fur et à mesure qu’ils sont mentionnés dans le texte. Ainsi, lorsqu’il est question, par exemple, de la boîte à musique offerte par Léonie à sa petite sœur malade à l’infirmerie, un clic sur le mot permet de voir la photo de l’objet. À noter pour ces « dernières paroles », une fine analyse en ligne de l’historien Claude Langlois sur l’authenticité de ces paroles : sont-elles de Thérèse, finalement ? Analyse inédite qui donne, douze ans après l’ouvrage paru chez Salvator [1], une série d’explications permettant à l’internaute d’être au clair sur les suspicions qui pèsent sur ces ultimes paroles.

Les devoirs de style, les images réalisées par Thérèse, ses écrits divers enfin, tout est présenté de la même manière, en textes soigneusement alignés avec leurs fac-similés et tous les brouillons existants d’un même dossier, ce qui permet d’accompagner l’évolution de la pensée de Thérèse.

L’ensemble de ces fac-similés constitue une invitation lancée à tous d’aller à la source et de s’y pencher, pour que s’ouvre un nouvel espace derrière les textes de Thérèse, de sainte Thérèse. De tisser ses textes lus et très connus avec ces papiers pauvres, déchirés, couverts d’une graphie si éloquente, oblige à traverser notre connaissance des textes pour rencontrer une autre Thérèse. C’est le projet général de cette gigantesque première section du site.

Pour clore cette première section sur les ouvrages de Thérèse, les œuvres d’art bénéficieront d’un traitement particulier. Jamais réunies encore sous ce label, elles sont proposées en photos. On trouve d’abord un minuscule carnet de dessins de Thérèse enfant, guère prometteur au niveau artistique. Un autre carnet plus conséquent et souvent reproduit, au moins partiellement, s’y voit intégralement.

On voit ensuite les objets peints par Thérèse, et d’abord, quelques statues. Il faut savoir que le carmel achetait, par économie, des statues de plâtre blanc et se réservait la tâche de les mettre en couleurs. Nous avons encore quelques-unes de ces statues peintes par Thérèse même. Elles sont mises en pages avec un zoom sur l’une ou l’autre partie. Il y a aussi quelques vases, des cache-pots, des chapiteaux, tous petits travaux de mise en couleur.

Enfin viennent les autres œuvres réalisées par Thérèse. Outre ses quelques tableaux souvent reproduits, comme le rêve de l’Enfant Jésus ou la fresque de l’Oratoire, on peut voir ses peintures sur tissus, notamment son célèbre ornement liturgique mettant en scène la fratrie Martin. Il y a la pale envoyée à Roulland, plusieurs pages du Missel de l’abbé Youf mis en couleur (avec l’aide de Mère Agnès), une Sainte Face, un beau « château intérieur », etc.

(À suivre pour les trois autres sections ; l’ouverture du site est imminente. Nous donnons en annexe deux exemples).

Les archives du Carmel de Lisieux se réjouissent de ce gros effort, entrepris avec courage et ténacité, pour rejoindre partout où elle se trouve toute personne qui veut travailler l’œuvre de Thérèse et s’en nourrir.

[1Les dernières paroles de Thérèse de Lisieux, Paris, Salvator, 2000.

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