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Un œcuménisme en pleine mutation : défi pour la vie consacrée

Michel Mallèvre, o.p.

N°2007-4 Octobre 2007

| P. 245-255 |

La vie consacrée a toujours joué un rôle important, même s’il demeure inaperçu, dans le mouvement œcuménique. Les mutations actuelles l’y invitent davantage, selon le directeur de la revue Unité des chrétiens, qui adresse ici, aux communautés monastiques et religieuses de toutes les confessions chrétiennes, un appel à traduire leur expérience de communion ecclésiale. Trois défis majeurs sont à relever, et en conséquence, trois caractéristiques pourraient s’offrir à la vie consacrée : bâtir des ponts, ne pas contribuer aux divisions des autres familles confessionnelles, mettre en œuvre l’échange des dons si cher à Jean-Paul II. Un texte-programme, pour qui veut le méditer.

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Notre rencontre et les décennies d’expériences du Congrès international et interconfessionnel des ordres religieux (CCIIR) sont les témoins de la place importante jouée par la vie consacrée dans le mouvement œcuménique. Une place certes discrète aux yeux des médias, mais bien réelle. Qui dira en effet le nombre de moines, de moniales, de consacrés qui entretiennent de par le monde des correspondances suivies témoignant d’une belle amitié spirituelle ? Combien de rencontres, de visites chaque année dans nos communautés ! Et, permettez au directeur de la revue Unité des chrétiens de s’en réjouir, combien de monastères ou de communautés abonnés à des périodiques spécialisés qui témoignent de cette ouverture œcuménique !

Il y a à ce constat une raison que nous connaissons ici d’expérience : incontestablement, chacune et chacun d’entre nous expérimente que ce qui nous unit est plus fort que ce qui sépare les Églises auxquelles nous appartenons : ces racines communes en un temps où l’Église ne connaissait pas encore les divisions qui nous séparent aujourd’hui, et les fruits que nous partageons dans cette rencontre. Et d’autres avant moi ont exposé en quoi la vie consacré par son enracinement évangélique et sa dimension eschatologique a un rôle particulier à jouer dans le mouvement œcuménique.

Mais, au risque de choquer ou d’attrister, je serais tenté, d’évoquer aussi des situations qui nous montrent que la vie consacrée et l’œcuménisme ne font pas toujours bon ménage. Permettez-moi d’en rappeler deux.

Le premier est celui de monastères dont l’attachement à leur perception de la Tradition semble l’emporter sur l’appel à l’unité. Faut-il rappeler, qu’en décembre dernier, les higoumènes du mont Athos ont publié un communiqué cinglant au lendemain de la visite du pape Benoît XVI ? Ce désaveu d’un voyage porteur d’espérance pouvait nous rappeler, toutes choses égales par ailleurs, le rôle des monastères orthodoxes dans la non-réception de conciles d’union du Moyen-Age (dont nous percevons mieux, il est vrai les limites). Nous pourrions ajouter l’exemple plus récent du refus du monastère de Notre Dame de Lesna, près d’Etrépagny, qui était membre de l’Église russe hors frontière, de rentrer en communion avec le patriarcat de Moscou. Et nous trouverions aussi, bien entendu, dans le monde catholique, des communautés monastiques peu ou pas ouvertes à l’œcuménisme.

L’autre exemple est celui de communautés interconfessionnelles dont l’expérience s’intègre difficilement à la vie des Églises encore séparées. Je pense à Taizé, haut lieu d’expérience spirituelle, pour tant de jeunes notamment, mais également, signe de contradiction dans le milieu protestant francophone toujours méfiant envers le monachisme et ressentant mal que cette communauté soit devenue aujourd’hui en majorité catholique et que son fondateur eut des obsèques catholiques présidées par un cardinal ! Je pense aussi à ces communautés nouvelles catholiques « à vocation œcuménique » dont les membres des autres Églises éprouvent douloureusement le refus de se voir reconnaître la possibilité d’y accéder à des charges de responsabilité et donc, un statut de membre de plein droit.

Je n’ai pas choisi ces exemples pour raviver des blessures récentes, mais pour nous rappeler que l’œcuménisme ne va pas nécessairement de soi dans la vie consacrée, et que nos communautés peuvent vivre de plein fouet les réalités douloureuses de la marche actuelle vers l’unité : la tentation du repli identitaire ou la difficulté à traduire institutionnellement une expérience de communion en avance par rapport à ce que vivent nos Églises.

Si vous m’avez invité à parler, c’est sans doute au titre de mon expérience d’observateur de ce qui se vit, de ce qui se fait aujourd’hui, en France comme l’étranger, dans les dialogues officiels comme sur le terrain. Justement, ces deux exemples manifestent bien que nous ne sommes plus dans les années euphoriques où l’unité visible des Églises semblait à portée de main dans cet Occident qui avait souffert directement des déchirures de la chrétienté. Loin de moi cependant une vision pessimiste : je pense au contraire que nous sommes en un temps de mutation qui est une chance pour l’œcuménisme. Et c’est donc de ces transformations du mouvement œcuménique puis de leur impact sur notre participation à ce mouvement que je vais me risquer à parler.

Un œcuménisme en pleine mutation

Le mouvement œcuménique, rappelons-le, est né au début du XXe siècle sous l’impulsion d’un triple courant : missionnaire, social et doctrinal. Le contexte était alors celui d’un christianisme massivement présent dans l’hémisphère nord, d’une répartition des grandes familles confessionnelles dans des zones clairement identifiées, d’un attachement aux Églises et d’une pratique religieuse fortes. Aujourd’hui, nous constatons trois grands déplacements qui affectent le mouvement œcuménique : le basculement nord-sud du centre de gravité du christianisme, le décloisonnement confessionnel, la transformation des mentalités religieuses.

Lorsque naquit le mouvement œcuménique, le monde chrétien était essentiellement concentré dans l’hémisphère nord, en particulier en Europe. Celle-ci, avec 530 millions de baptisés (Russie comprise), est encore le premier continent chrétien en 2006, de peu devant l’Amérique latine (517 millions). En 2025, cette dernière (623 millions) et l’Afrique (596 millions) rassembleront davantage de fidèles que l’Europe (513 millions). Même l’Asie (496 millions), encore si peu christianisée, devrait bientôt la dépasser. Portées par l’Europe, où sont nées les divisions et s’est développée la volonté de les surmonter, les questions doctrinales ne sont plus celles de la majorité des chrétiens. Aujourd’hui, ceux du Sud sont confrontés à un autre défi : celui de la survie. Surtout peut-être, ils font de la théologie autrement : ainsi plus que des réflexions argumentées et des débats théologiques, les réunions plénières de l’Assemblée générale du COE (Conseil Œcuménique des Églises) à Porto Alegre, en février 2006, firent résonner leur cri à travers de multiples témoignages, des propos que nous jugerions un peu incantatoires, tout comme nous pourrions trouver leurs analyses parfois manichéennes. L’émergence des Églises indépendantes, marquées à la fois par le Pentecôtisme et par les cultures africaines ou asiatiques, témoigne aussi, jusque dans les banlieues des grandes villes occidentales, de ce basculement.

Second trait, le cloisonnement confessionnel vole en éclats sous l’effet de la mondialisation, d’importantes migrations aux causes multiples : politiques (notamment l’effondrement des régimes communistes), économiques etc. De fait, toutes les confessions chrétiennes se trouvent aujourd’hui présentes sur chaque continent. Ce phénomène contribue à réveiller sur le terrain un œcuménisme parfois résigné, et il révèle (même localement) une complexité inédite du processus vers l’unité visible des Églises. Il ne s’agit pas seulement, bien sûr, de changements pour les interlocuteurs, qui voient arriver de nouveaux partenaires d’ailleurs souvent moins habitués au dialogue œcuménique. Il s’agit aussi de changements pour chacune des familles chrétiennes confrontée à des tensions internes. Faut-il évoquer ici les tensions créées par la diaspora au sein de l’orthodoxie ? ou celles qui menacent la cohésion de la Communion anglicane ? Rappelons enfin un autre aspect de ce « décloisonnement confessionnel » : les questions éthiques, suscitées notamment par les progrès technologiques, créent de nouvelles divergences entre partenaires traditionnels, mais elles provoquent aussi des clivages traversant toutes les confessions : pour faire bref, entre les partisans d’une herméneutique « progressiste » appelant les Églises au prophétisme et ceux d’une herméneutique « conservatrice » soulignant que les chrétiens « ne sont pas du monde ».

Un troisième élément change également la « donne œcuménique » : la transformation des mentalités et du rapport au religieux. Un phénomène complexe, sur lequel je reviendrai, mais dont je note ici plusieurs éléments qui intéressent l’œcuménisme. D’abord, le discrédit des institutions et de leurs discours, suspectés d’être des idéologies : il touche directement les grandes Églises, leurs affirmations doctrinales et leurs dialogues théologiques. Mais aussi, une montée de l’individualisme et une recherche de plus en plus pressante de l’épanouissement personnel sur fond émotionnel, qui explique le vagabondage d’une communauté à l’autre ou d’une Église à l’autre. Cependant, dans un monde en rapide transformation, la quête de sens contribue aussi à revaloriser l’offre religieuse, et plus largement tout marqueur d’identité, et donc des attitudes plutôt méfiantes face à un œcuménisme perçu a priori comme « relativiste ».

Ces transformations expliquent sans aucun doute en partie le succès des Églises évangéliques, avec leur insistance sur la conversion personnelle, leur doctrine moins élaborée mais radicale, leur offre de communautés chaleureuses. La figure du « pèlerin », peu attaché à une dénomination et en quête de lieux de guérison ou d’épanouissement, et celle du « converti », aimant partager son expérience spirituelle et affirmer sa foi, s’y conjuguent aisément [1]. C’est surtout le cas de ce que l’on appelle la « troisième vague » du pentecôtisme, qui voit le surgissement de communautés « post-confessionnelles ». Non plus la création de nouvelles Églises, comme dans le Pentecôtisme classique né au début du XXe siècle, du type Assemblées de Dieu, peu ouverts à l’œcuménisme. Ni le fourmillement de multiples groupes de prière, dont les membres gardaient une identité confessionnelle bien définie, du type Renouveau charismatique catholique. Mais des réseaux, où des chrétiens encore attachés à leur Église côtoient des personnes, de plus en plus nombreuses, touchées par la figure de Jésus, mais peu enclines à s’engager dans une communauté. Des rassemblements comme « Embrase nos cœurs » et « Paris tout est possible » en sont l’illustration, et ils sont porteurs d’un défi pour le mouvement œcuménique : si de tels réseaux continuent à se développer, comment en effet espérer faire l’unité des chrétiens par l’unité des Églises ?

Finalement, il me semble que la situation actuelle pourrait être résumée par un mot : celui de « fragmentation », relevé d’ailleurs par le cardinal Kasper dans son discours introductif à la session plénière du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens en novembre dernier [2]. Si l’on voulait préciser un peu, nous pourrions souligner trois caractéristiques :

  • le développement des communautés de type évangélique pentecôtiste ;
  • les tensions, voire les divisions, au sein de chacune de nos grandes familles confessionnelles ;
  • l’individualisme et la perte du sens de l’appartenance ecclésiale.

Dans ce contexte déconcertant, quel pourrait être le rôle œcuménique de nos communautés ?

Quel rôle œcuménique de nos communautés ?

Dans un tel contexte, nos communautés monastiques ou religieuses ont-elles un rôle particulier à jouer ? Sans doute ont-elles d’abord à être elles-mêmes, c’est-à-dire à la fois des « points d’ancrage », nécessaires dans un monde qui bouge, mais aussi des lieux d’ouverture, sur d’autres manières d’être chrétien ; à la fois être témoins d’une tradition, d’une insertion ecclésiale forte, de la cohérence d’une forme d’expérience spirituelle et offrir des espaces de dialogue pour des hommes et des femmes en recherche. Bref, contribuer à ce que le pape Benoît XVI estime notre première tâche : « redécouvrir d’une nouvelle manière le Dieu vivant dans notre vie, dans notre temps et dans notre société [3]. » D’une manière générale, je vous renvoie à l’excellent petit Manuel d’œcuménisme spirituel [4], que le cardinal Kasper a fait paraître au moment de la semaine de l’unité, et qui fourmille de propositions concrètes étayées par des textes du Magistère catholique : un livre à mettre dans les mains de ceux qui pratiquent le « tri sélectif » dans l’enseignement des papes, en passant sous silence ce que Jean-Paul II et Benoît XVI ont dit de « l’engagement irréversible » de l’Église catholique dans le mouvement œcuménique ! Je ne répéterai donc pas ce que le président du Conseil pontifical pour l’unité a rappelé en termes généraux de la prière, de l’accueil, des échanges, sans oublier l’engagement pour la justice et la paix illustré dans beaucoup de communautés par leur engagement au sein de l’ACAT (Action catholique pour l’abolition de la torture). Je voudrais plutôt le resituer par rapport aux trois grandes mutations et aux trois caractéristiques évoquées précédemment.

Si je reprends la première mutation, le basculement nord-sud du centre de gravité du christianisme, il y a d’abord pour nous le défi de transmettre notre expérience œcuménique, née au XXe siècle, à de jeunes communautés sœurs qui vivent dans un univers ecclésial bien différent du nôtre. Elles ont le plus souvent comme vis-à-vis des Églises de type pentecôtiste où les rites de guérison tiennent une place importante. Il est vrai qu’en Afrique l’orthodoxie progresse, mais pas au même rythme que ces Églises indépendantes qui sont témoins d’une autre culture ecclésiale. C’est, et ce sera de plus en plus, un défi aussi chez nous, et on ne peut l’évacuer par un jugement méprisant sur les « sectes ». Mais pour des chrétiens venant de l’hémisphère sud, il y a aussi tout un patrimoine à découvrir, et vous avez incontestablement un rôle à jouer, profitant de l’attrait des lieux de prière pour ces hommes et ces femmes qui ne sont pas (encore) touchés par la sécularisation. Vous êtes incontestablement les témoins d’une longue histoire pour des fidèles d’Églises jeunes.

La seconde mutation que j’ai notée, le décloisonnement confessionnel, nous en faisons l’expérience avec le développement en Europe occidentale de monastères orthodoxes mais aussi coptes et syriaques [5]. Il y là une occasion de développer des liens, bien sûr, mais aussi sans doute, d’aider les moines venus d’un autre contexte à comprendre le nouveau contexte dans lequel ils vivent. Ce développement de la vie monastique nous situe aussi dans un contexte de pluralité d’offres religieuses chrétiennes, et du problème délicat des passages d’une Église à l’autre [6] : nous savons bien que certains de ces monastères accueillent des baptisés catholiques qui le plus souvent n’eurent aucune expérience spirituelle, jusqu’à ce que ce monastère devienne le lieu d’une véritable conversion au Christ. Dans un tel contexte, les relations œcuméniques ne sont bien sûr pas toujours faciles.

La troisième mutation, la transformation des mentalités et du rapport au religieux, est la plus complexe. Nous avons déjà dit qu’elle développe des attitudes d’itinérance, de « bricolage spirituel » ou à l’opposé de « repli identitaire » qui ne cadrent pas avec un véritable œcuménisme. Je pense que vous pourriez en donner des illustrations par rapport aux personnes que vous accueillez, que vous soyez une étape dans leur recherche ou… un point d’arrivée. En un temps où l’on tend à oublier, à relativiser le cheminement vers l’unité, il est important que les consacrés rappellent fortement les implications du baptême commun, et fassent percevoir que l’œcuménisme n’est pas une question d’« état-major », le « premier cercle des relations extérieures » de chaque Église, mais une dimension constitutive de la vie de toute communauté de baptisés. Il y a sûrement beaucoup à faire au niveau de l’information sur les divisions, les différentes familles confessionnelles, l’histoire du mouvement œcuménique et pour la « réception » des nombreux documents de dialogues auprès de ceux que nous accueillons.

Si je reprends maintenant les trois caractéristiques de la situation présente dégagées comme conséquences de ces grandes mutations, je relèverait les points d’attention suivants. Tout d’abord, la nécessité de développer des relations avec le mouvement évangélique-pentecôtiste. Notre tentation peut être de nous intéresser surtout à ceux qui nous ressemblent… Et nous savons bien que le protestantisme radical n’a pas un regard a priori très positif sur la vie monastique ou même la vie consacrée en général. Pourtant les choses bougent. J’en donnerai deux exemples : je pense d’abord à ce responsable d’une Fédération d’Églises charismatiques qui récemment est allé parler aux moines de Landevenec à l’occasion d’une conférence en Bretagne et qui est ressorti avec une multitudes de questions témoignant d’une certaine fascination. Je pense aussi à ce jeune protestant évangélique suisse qui dans quelques jours, présentera un mémoire à la Faculté de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine sur l’ascèse dans les Règles de saint Basile, en se demandant si les évangéliques n’ont pas perdu quelque chose d’important avec le rejet par la Réforme de la vie monastique ! Et l’on trouverait d’autres interrogations sur le rôle des courants évangéliques comme « monachisme de substitution » au sein du protestantisme [7]. Entre le protestantisme radical et la vie consacrée, il y a sûrement des ponts à bâtir.

Par rapport à la deuxième caractéristique, nous devons être soucieux de ne pas contribuer aux divisions des autres familles confessionnelles. Le moteur de l’œcuménisme est l’amitié, les relations personnelles, et du coup il nous est parfois difficile de nous situer justement dans les conflits internes aux autres Églises. Comment concilier solidarité avec telle personne ou communauté et non-ingérence dans la vie interne d’une autre Église, ou du moins comment ne pas donner l’impression que l’on prend parti ? Il y a de belles pages du pape Jean-Paul II à méditer sur une « spiritualité de communion » qui nous rend attentifs aux besoins des autres Églises, et notamment développe en nous le souci de porter le fardeau les uns des autres [8].

Enfin, face à l’individualisme montant, il y a sûrement une pédagogie de l’Église à mettre en œuvre. Je pense à trois aspects :

  • Au moment où les chrétiens éprouvent moins le besoin de gommer leurs différences et au contraire de réaffirmer leur identité propre, nos communautés peuvent être des lieux de pédagogie de la catholicité de l’Église : notamment en matière de liturgie, elles peuvent montrer comment une tradition n’est pas exclusive d’autres traditions qui ensemble avec la nôtre contribuent à exprimer l’insondable richesse du Christ. Et ainsi, faire comprendre que l’œcuménisme est d’abord un « échange de dons », pour reprendre une expression chère au pape Jean-Paul II.
  • Dans un contexte où beaucoup de fidèles n’ont plus guère de connaissances religieuses et ne sont plus capables de comprendre le sens et l’importance des dialogues théologiques, il y a sans doute une priorité à accorder à l’annonce commune du kérygme. Lors de la dernière session plénière du Conseil pontifical pour l’unité, le cardinal Kasper a insisté en ce sens sur la nécessité d’encourager un « œcuménisme fondamental », c’est-à-dire de transmettre d’une manière nouvelle les bases communes sur lesquelles l’Église est fondée pour que nos contemporains puissent comprendre à nouveau le sens du mouvement œcuménique.
  • En un temps où naissent de nouvelles formes de vie ecclésiale qui dépassent les clivages confessionnels du passé, nous avons à rappeler ce qu’est l’Église. De fait les réseaux d’affinité qui se développent, pour intéressants que soit leur connivence avec de nouvelles formes de vie sociale, sont-ils vraiment l’Église ? Celle-ci en effet est-elle une réalité spirituelle invisible faite de personnes qui se choisissent, ou bien plutôt un peuple au sein duquel se trouvent rassemblés des hommes et des femmes qui ne se sont pas choisis et qui apprennent laborieusement à vivre et agir ensemble, en étant ainsi un signe d’espérance pour notre monde fracturé ? Cette question de l’Église est d’ailleurs actuellement au cœur de tous les dialogues, résumée notamment dans le grand texte publié récemment par la commission Foi et Constitution du COE,Nature et mission de l’Église. Nos communautés, par leur composition et leur enracinement ecclésial ont sans doute sur ce point aussi un rôle pédagogique à jouer qui n’est pas sans implications œcuméniques.

Voilà les quelques réflexions que je voulais partager avec vous, les points d’attention que je voulais indiquer et offrir au débat dans un contexte qui, je l’ai déjà dit, me semble paradoxalement une chance pour l’œcuménisme puisqu’il nous bouscule et réveille notre désir d’unité.

[1Voir le livre de Danièle Hervieu-Léger, Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1999.

[2Voir la note 11.

[3Homélie à la célébration œcuménique de Ratisbonne, le 12 septembre 2006.

[4Cardinal Walter Kasper, A Handbook of Spiritual Ecumenism, New York, New City Press, 2007 ; Manuel d’œcuménisme spirituel, Bruyères-le-Châtel, Nouvelle Cité, 2007.

[5Les Syriaques ont un monastère à Losser, aux Pays-Bas, à Warbourg, en Allemagne, à Arth, en Suisse ; les Coptes ont plusieurs monastères en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie et ailleurs, notamment à Ronchères, en France.

[6Voir le document publié récemment sur ce sujet par la Commission œcuménique de la Fédération protestante de France.

[7Neal Blough, « Les Églises de professants : un monachisme de substitution ? », in Foi et Vie, XCIII (1993/2), p. 29-44.

[8Lettre apostolique Novo millenio ineunte (2001), n° 43.

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