Bien qu’elle ait déjà reçu un large accueil dans les médias chrétiens francophones, cette première étude de haut niveau sur un phénomène peu documenté, mais souvent évoqué, mérite qu’on y revienne un instant. Les options méthodologiques de la thèse, qui a reçu le prix de Lubac 2021, sont très largement explicitées : contexte de la recherche, choix pour une certaine théologie narrative, définition minutieuse de tous les concepts (maturité, relation pastorale, relation de collaboration, abus en tous genre, violences sexuelles, p. 173, approche qualitative de type constructiviste). Cette armature psycho-sociologique posée, en plus de 200 pages, commence le descriptif de l’enquête, avec l’analyse et la discussion des résultats (sur 120 pages environ). On notera que l’échantillon définitif est constitué de neuf participantes de quatre pays d’Afrique francophone (anonymisés) et de trois collaborateurs interviewés. Le dernier chapitre, « formation et recommandations préventives » et la conclusion générale sont du plus grand intérêt, avant une table des tableaux et une bibliographie en plusieurs langues. On se demandera peut-être si, sur un échantillon aussi restreint, pouvaient s’énoncer des recommandations généralisables. Ce serait sans compter avec le creusement rigoureux de la méthode et l’étendue qualitative de l’investigation. L’angle d’approche est bien celui des « abus sexuels et autres violences » commises par des prêtres sur des femmes consacrées (p. 13), au cours du discernement vocationnel, de la formation ou dans la relation pastorale (p. 141) ; il met de plus en évidence le mutisme ou le rejet des communautés d’appartenance (p. 304), et en général, la banalisation de l’inconduite sexuelle des clercs, en raison de leur situation dominante. Certes, ce travail n’est qu’« un pas de plus » (p. 390) par rapport à d’autres études dans d’autres aires géographiques ; d’autres recherches pourraient s’intéresser aux « victimes secondaires » (chrétiens de la paroisse, etc.) ainsi qu’aux prêtres et séminaristes eux aussi victimes d’abus (p. 382). On ne s’étonnera pas de lire, dans les remerciements finaux, le nom de Karlijn Demasure, directrice de cette thèse, présentée à l’Université pontificale grégorienne.
Salvator, Paris, septembre 2022
412 pages · 24,00 EUR
Dimensions : 15 x 23 cm
ISBN : 9782706722035