Apportant à son tour sa contribution de théologien moraliste à la lutte résolue contre les abus dans l’Église, l’évêque de Versailles, président pour la Conférence des évêques de France, de la cellule permanente de prévention et de lutte contre la pédophilie, cherche à montrer les ressources que l’Église peut mettre en œuvre pour combattre le fléau qui la défigure (introduction). Il choisit, explique le ch. I, de mettre en évidence la question de la toute-puissance, à la fois personnelle et institutionnelle, qui s’y exprime (« on a souvent associé la sexualité au péché, alors qu’elle n’est que révélatrice de la toute-puissance habitant l’homme » p. 23), notamment dans l’élitisme – cette manière élégante d’en imposer – et le cléricalisme ordinaire.
Un travail éthique s’impose qui passe par la vigilance à l’égard des trois grands pôles du désir humain, la sexualité, le pouvoir et l’argent (chap. II) : comprendre qu’une partie de nous-mêmes échappe à notre maîtrise ; que dans la vie ordinaire, il n’y a pas à imposer sa puissance à l’autre, ni à user de sa confiance (« trahison déchirante » pour l’enfant) ; ni enfin à dévoyer les capacités financières de leur finalité au service de tous.
L’apprentissage de la juste distance (qu’une longue tradition désigne sous le terme de « chasteté ») fait l’objet de l’important chapitre III, qui met finement en évidence la vertu de tempérance et décrit l’attitude chaste, au-delà de la distance reconnue avec autrui, dans la juste distance à soi-même, au temps, à Dieu et propose quelques repères dans « les situations éducatives ». Le chapitre IV médite sur la toute-puissance divine (« Dieu puissamment faible »), telle qu’elle s’est manifestée dans le Fils chaste, pauvre et obéissant (p. 94), et dans le scandale de la croix (« Les abus sexuels commis par certains membres de l’Église ont “recrucifié” Jésus en la personne des victimes », p. 102).
À l’école de ce Dieu souffrant et miséricordieux, l’Église peut, c’est la conviction de l’ouvrage que développe le chapitre V, par l’effort conjugué de tous les baptisés, trouver les ressources pour affronter et relever les défis actuels : retourner à l’attitude du Christ dans l’Évangile, exercer le service de l’autorité sans abus de pouvoir, porter la responsabilité pastorale de conduire au Christ, vivre la synodalité quotidienne comme antidote au cléricalisme, situer la relation humaine comme centre de la vie dans une perspective d’écologie intégrale (« tout est sujet à limites [...] ; quand tout est lié, la toute-puissance devient impossible », p. 126). La confession de foi en Dieu « tout-puissant » conduit alors à discerner dans l’humilité et le service, la puissance de l’Esprit qui apprend à marcher ensemble à la suite de l’unique Pasteur (p. 128).
Collection La Part-Dieu
Lessius, Bruxelles, avril 2021
138 pages · 12,00 EUR
Dimensions : 12 x 20 cm
ISBN : 9782872994021