Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

La Bible. Parole une et plurielle

Entrer dans l’intelligence des Écritures

Yves-Marie Blanchard

On n’a pas affaire à un énième livre sur « la Bible » en général, mais à un ouvrage véritablement stimulant, dans une « une perspective qui se voudrait plus de vive interpellation que de savante dissertation » (p. 179), dont le titre donne la clé : La Bible, parole une et plurielle. Le P. Yves-Marie Blanchard, connu comme spécialiste du quatrième évangile, livre ici une vision aboutie, complète, de ce qu’on aurait envie d’appeler – bien qu’il ne le fasse pas lui-même – le « phénomène » des Écritures. Le style est accessible ; on reste, page après page, près du texte biblique qui est lu et commenté sans jamais céder à la tentation de l’abstraction herméneutique ; des termes techniques qui pourraient sembler soit trop connus soit trop difficiles (« canon », ou « accomplissement », par exemple) sont revisités à partir de leur enracinement biblique : autant de qualités pour un texte qui s’avère, au bout du compte, non seulement réussi mais original.

Les sept chapitres présentés par l’A. en introduction (p. 10-11) forment un parcours cohérent : deux chapitres théologiques (I. Écriture et Révélation ; VI. Écriture et Parole) encadrent quatre chapitres que l’on dira, par commodité, bibliques (chap. II à V) : on y traite tour à tour du canon, de l’accomplissement, des langues bibliques (un chapitre très original !), des récits (qui donnent forme à la théologie). Ainsi la Bible y apparaît progressivement comme un texte à articuler, à interpréter, à traduire, à raconter...

Mais c’est peut-être le dernier chapitre (VII. « Écriture et unité ») qui représente la part la plus personnelle et sans doute la plus stimulante de l’ouvrage, où l’on découvre qu’un certain « hiver œcuménique » pourrait bien se voir dégelé par le « printemps biblique » dont l’A. s’émerveille dès les premières pages de son livre. S’il est vrai que « la tension entre la totalité du livre et la singularité de chaque texte (...) appelle une ecclésiologie de communion » (p. 182), alors l’Écriture – en particulier le canon des Écritures – peut représenter un « modèle efficace pour l’unité des Églises » (p. 149). Sans pour autant disqualifier l’analogie trinitaire qui donne tout son sens théologique à l’effort œcuménique, le « modèle heuristique » du canon des Écritures offrirait un paradigme « concret et pleinement historique » (p. 157) à la question œcuménique. Pour donner un exemple, si l’on rapprochait l’histoire de la constitution du canon de l’histoire du mouvement œcuménique, on trouverait notre temps analogué à l’étape irénéenne (au IIe s.) : celle de « clarifications canoniques » importantes et décisives mais « encore loin de faire consensus dans la totalité des Églises et communautés » (p. 168). Bref, l’œcuménisme ne serait pas vieillissant mais... seulement « aux débuts de l’âge adulte » !

Il est question d’Écriture, certes, mais la pointe de l’ouvrage pourrait bien être ecclésiologique, comme le suggèrent les cinq points par lesquels l’A. résume ses acquis en fin de parcours : 1. le canon pose un principe de pluralité et d’unité qui est à l’origine même du christianisme ; 2. la Bible, par la multiplicité de ses récits, montre que le christianisme est d’abord « un faisceau d’expériences » ; 3. le corps des Écritures est marqué par une transculturalité – un « métissage linguistique » notamment – qui type le christianisme ; 4. l’accomplissement est la clé adéquate d’articulation des deux Testaments et donc de compréhension de l’Écriture : il engage au dialogue ; 5. le christianisme n’est pas une religion du livre mais une expérience de foi dans laquelle la parole et l’écrit s’interprètent mutuellement et, pourrait-on dire à la lumière du chapitre 21 de l’évangile de Jean, infiniment.

Transculturalité, primat de l’expérience, mise en œuvre du dialogue... tel pourrait donc être le style d’une Église, c’est-à-dire de la vie chrétienne, qui se laisse vraiment informer, transformer, par la lettre de ses Écritures.

Mots-clés Écritures Théologie

Collection Bible en main

Salvator, Paris, août 2019

192 pages · 18,80 EUR

Dimensions : 14 x 21 cm

ISBN : 9782706718267

9782706718267

Sur le même thème : « Écriture »