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L’inconsolation

Claude Plettner

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Cette parole quelque peu abrupte de Stig Dagerman ouvre une série de quatre chapitres suivis d’une Variation qui plongent au cœur de l’inconsolation suite à une traversée de feu, dont le nom est deuil, échec, déception, brisure. Le chapitre 1 montre qu’inconsolé, on le demeure, mais non pas inconsolable. En Variation l’expérience de Marcel Proust (dans Le Temps retrouvé) et celle de Roland Barthes (dans son Journal de deuil) nous livrent les mots du deuil inconsolé. La voix des larmes (2e chapitre) est le langage qui exprime l’indicible y compris à soi-même (p. 37). Les larmes sont marques d’humanité, signes d’intériorité (p. 43). Mais qu’en est-il si les yeux et le cœur restent secs, signe d’une douleur totalement enfouie et muette ? Comme le trop d’horreur des camps d’extermination qui est au-delà des larmes et laisse sans voix (p. 42) ou l’ébranlement de deux femmes - l’une d’une tragédie grecque, l’autre biblique - devant la mort de l’être aimé ? En Variation, l’auteure nous fait la confidence délicate et audacieuse de ses propres yeux secs, cœur lourd. Le 3e chapitre pose avec acuité la question d’une religion consolatrice et met en face Job ou l’écœurement des paroles pieuses (Variation). Job se rendra à l’évidence : Il y a de l’inconsolable en toute vie humaine (p. 71). Dans le 4e et dernier chapitre, la désolation de l’homme superflu est vécue par d’innombrables êtres humains soumis à un régime totalitaire comme esseulement collectif, expérience d’absolue non-appartenance au monde (p.73-74). Elle en devient même l’expérience constitutive de perte de l’expérience de soi et de l’autre. La Variation fait honneur à tant de femmes d’ici ou là, combattantes dépossédées, désarmées, déshéritées, privés de droits politiques et sociaux, inconsolées (p. 83). La question qui habite tout être humain surgit en Dénouement : Qui nous dira ce qu’est la joie ? En quelques lignes, de ton autobiographique, voici le secret du oui à ce qui nous laisse inassouvis, incomplets (p. 88). Petit uniquement par son format, ce livre dense et magnifiquement charpenté ose se confronter à la réalité de l’inconsolation bien trop souvent gommée ou niée. L’auteure qui est journaliste, écrivain, éditrice et théologienne déjà bien connue par ses nombreuses publications, nous livre non seulement sa pensée et sa recherche, mais aussi son expérience authentiquement personnelle. Un livre qui transforme à l’intime !

Collection "J'y crois"

Bayard Éditions, Paris, juin 2021

160 pages · 14,00 EUR

Dimensions : 12,5 x 14,8 cm

ISBN : 9782227499775

9782227499775

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